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en vertu de laquelle nous sommes aujourd’hui les vassaux de votre Empire. En cédant à cette ivresse, l’Allemagne a commis la plus grande faute peut-être qu’elle ait à inscrire en toute son histoire. Il dépendait d’elle, après ses triomphes, de conquérir par sa générosité, non seulement l’admiration du monde entier, mais encore les sympathies de son ennemi vaincu et surtout les nôtres, à nous, habitans d’Alsace et de Lorraine. Il dépendait d’elle d’amener un désarmement de l’Europe et de fermer à tout jamais peut-être, entre peuples faits pour s’aimer, l’ère sanglante des guerres. Il lui suffisait pour cela, s’inspirant du libéralisme que nous aurions pu supposer chez une nation aussi éclairée, de renoncer à toute idée d’agrandissement et de laisser intact le territoire français. L’Allemagne, à cette condition, devenait la plus grande et la plus estimée des nations et s’élevait à une place sans égale parmi les peuples de l’Europe. » (Une grande hilarité [grosse Heiterkeit] saisit la salle à ces paroles.)

« Pour ne pas avoir suivi en 1871 le conseil de la modération, conclut M. Teutsch, que récolte-t-elle aujourd’hui ? De son envahissante puissance, toutes les nations de l’Europe se défient et elles multiplient leurs armemens. Pour maintenir ce renom guerrier qui ne contribue guère pourtant au vrai bonheur des peuples, l’Allemagne a tout épuisé, prodigué des sommes fabuleuses et veut aujourd’hui augmenter encore une armée, si formidable déjà cependant. Et que vous promet, messieurs, le plus prochain avenir ? Au lieu de cette ère de paix et d’union entre les peuples… Qu’avez-vous à attendre ? Vous entrevoyez, peut-être avec le même effroi que nous, de nouvelles guerres, de nouvelles ruines, de nouvelles victimes, de nouveaux tributs prélevés dans vos familles par la mort[1]. »

Ici, un gros émoi (grosse Unruhe, dit le compte rendu sténographique) remplaça soudain les éclats de rire.


CH. GAILLY DE TAURINES.

  1.  ?