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monastères célèbres des bords de la Marne et de la Seine, à Jouarre, à Marmoutier, aux Andelys, plus tard à Chelles. On peut dire que nos très vieux pères se sont connus dans cette enfance de l’Europe civilisée, qu’ils ont joué ensemble, prié ensemble, qu’ils ont feuilleté ensemble les manuscrits ornés de lettres coloriées, et qu’il y eut, au temps de nos origines, entre vous et nous, une fraternité chrétienne. Vos rois, vos grands seigneurs, vos artisans, vos marchands et vos laboureurs furent ainsi les bienfaiteurs insignes de la basilique de Chartres. Les documens sont innombrables et plusieurs fort touchans. Le nécrologe, par exemple, renferme ces lignes relatives à la fille de Guillaume le Conquérant : « Le 7 décembre est morte Adelize, fille du roi des Anglais. Parmi d’autres présens royaux, faits pour le salut de l’âme de sa fille, le roi ordonna de bâtir le clocher qui est sur l’église, précieux et bon. » A la fin du XIe siècle, saint Yves de Chartres écrivait à Vauquelin, évêque de Winchester : «… J’ai demandé à ta munificence un vase à mettre le saint chrême, dont la forme était inconnue à nos artistes, et je l’ai obtenu aussitôt. Ce présent m’a été agréable, plus encore par la grâce avec laquelle il m’a été donné, que par le désir que j’avais de le posséder. Aussi, chaque fois que je le revois, quand je m’en sers pour le service divin, ton souvenir me revient doucement à l’esprit. » La correspondance du même saint nous apprend que, dès cette époque, de nombreux écoliers anglais fréquentaient les écoles de Chartres. Ils formaient une véritable colonie, et voici le beau témoignage que le saint a rendu de leur honnêteté, dans une lettre adressée à Robert, qui fut évêque de Lincoln entre 1093 et 1123 : « Si votre bienveillance a besoin, en quelque chose, de nos services, mandez-le-nous par vos élèves que nous avons près de nous, et que nous chérissons, tant à cause de l’honnêteté de leurs mœurs que pour l’affection que nous avons pour vous. Par leur intermédiaire, nous obéirons, suivant nos forces, à votre volonté, et nous resserrerons plus étroitement les liens de l’amitié qui nous unissent à vous. » Dans une autre lettre, il demandait à la reine Mathilde un habit sacerdotal, et, quelques mois plus tard, il recevait, au lieu de ce modeste cadeau, des cloches pour son église, que la reine avait déjà fait couvrir avec des feuilles de plomb.

Un sauf-conduit, daté de 1125, et délivré au nom de