Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 45.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le confirma dans cette opinion. Faisant allusion à I’Allemagne et à l’Autriche, le chancelier russe avoua que Sa Majesté en était bien revenue sur le compte de ses anciennes alliances : « Ce n’est plus de ce côté que se porteront ses regards. L’Empereur commence à reconnaître que la forme républicaine adoptée en France n’effraiera plus personne, à la condition de rester conservatrice et de ne pas menacer les intérêts vitaux de la société. »

Quelques jours plus tard, Chanzy arrivait à Saint-Pétersbourg, recommandé à la cour impériale par les glorieux souvenirs de son rôle pendant la guerre franco-allemande ; il fut reçu par l’Empereur avec les mêmes témoignages de déférence et d’amitié dont avait été l’objet son prédécesseur. Dès sa première audience, l’Empereur reprend avec lui l’entretien commencé avec Le Flô ; on dirait qu’il s’adresse au même interlocuteur : « Je voudrais voir votre drapeau flotter à côté du nôtre, lui dit-il ; vous pourriez rendre ainsi un grand service à l’Europe. » Les instructions de Chanzy ne lui permettent pas de prendre au mot cette déclaration, qui est en réalité une offre d’alliance. Cependant, il ne la décline pas et sa réponse laisse la porte ouverte à un rapprochement qui, de part et d’autre, reste encore subordonné à des circonstances qu’on ne saurait prévoir. En outre, elle a pour résultat de maintenir entre le souverain et l’ambassadeur une confiance dont, à travers de multiples péripéties, celui-ci ne cessera pas de recueillir les preuves.

Il est vrai que, troublés à plusieurs reprises par des incidens inattendus, les rapports de la Russie avec la France continuent à se ressentir des contradictions que nous avons déjà signalées dans la conduite de l’Empereur. Assurément, il est attiré vers la France ; il le prouve à plusieurs reprises, mais, même quand il semble avoir fait un pas décisif, sa marche est ralentie ou même arrêtée par les événemens qui se déroulent à Paris et qui souvent touchent de près à ceux dont la Russie est le théâtre. C’est toujours de la part d’Alexandre la même disposition à attribuer à la politique intérieure de notre pays la responsabilité des tentatives révolutionnaires qui agitent l’Empire sous le drapeau du nihilisme. Au mois de mai 1879, le chancelier Gortschakoff en fait presque l’aveu au général Chanzy. « On dit que, par suite des exigences des radicaux, les affaires vont mal