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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 45.djvu/19

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Le 5 octobre, la reine des Belges, fille de Louis-Philippe, écrivait à la reine Victoria : « Je n’ai pas grand’chose à vous dire des habitudes et des goûts de mon père, au sujet de son logement. Mon père est une de ces personnes qu’il est très facile de contenter, de satisfaire et de recevoir. Sa vie si mouvementée l’a habitué à tout, et fait qu’il trouve toutes les installations parfaites pour lui. Il n’y a qu’une seule chose qu’il lui soit difficile de faire : c’est de se lever de bonne heure. Il dort généralement sur un matelas de crin de cheval, avec une planche de bois dessous ; mais n’importe quel lit fera l’affaire, pourvu qu’il ne soit pas trop doux. En vous écrivant tout ceci, je crois rêver, je ne puis croire encore que, dans quelques jours, mon cher père aura, si Dieu le veut, l’inexprimable bonheur de vous revoir, et à Windsor, ce qu’il désirait tant, et ce qui, pendant longtemps, parut si improbable. »

La reine Victoria écrivait, peu après, au roi des Belges : « La visite du Roi s’est passée dans la perfection, et je regrette beaucoup, extrêmement, qu’elle soit terminée. Il fut enchanté et fut reçu avec enthousiasme et affection partout où il se montra. Quel homme extraordinaire que le Roi ! Quelle merveilleuse mémoire ! Quelle vitalité ! Quel jugement ! Il nous parla à tous très franchement, et est décidé à ce que nos affaires continuent à aller bien. »

Si la reine Victoria revenait au monde, elle pourrait constater qu’il y a entre les deux pays beaucoup mieux, beaucoup plus que la cordialité princière de ce temps-là.

La fin de son long règne avait préparé, de toutes manières, le temps que nous voyons. Pour ce qui regarde les relations personnelles entre Anglais et Français cultivés, il n’est pas douteux que la sympathie avait singulièrement grandi, et pris le dessus, et que, comme au temps des vieux moines, il existait de grandes amitiés d’Angleterre en France, et de France en Angleterre. L’ambassadeur de Russie, baron de Brunow, disait, le 23 avril 1871, à notre premier secrétaire à Londres : « L’Angleterre vous aime. » Et ce même secrétaire, homme de beaucoup d’esprit, M. Ch. Gavard, écrivait quelques mois plus tard, en revenant de visiter une de vos œuvres charitables dont les protecteurs l’avaient entouré et fêté : « Ces Anglais m’étonnent ; c’est une charité enragée, une passion pour la France. » C’est le même homme encore qui formulait, dès 1875, cette opinion