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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 45.djvu/372

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espèce de progrès. Le postulat métaphysique, ils n’envisagent qu’un moyen de l’atteindre, c’est de le demander, comme un Pascal, à la Foi, à la Grâce. Si la foi ne leur est pas échue en partage, ils restent confinés dans le nihilisme sceptique ; ils regardent monter les théories comme des bulles de savon amusantes dont on suit un moment dans l’air les formes irisées pour les voir crever l’une après l’autre. Mais, croyans ou matérialistes, ils sont d’accord pour refusera la Raison humaine la possibilité, sans un secours surnaturel, d’atteindre les principes des choses, de démontrer et de comprendre un Dieu.

D’autres enfin, parmi lesquels se classait résolument Duhem, professent une opinion toute dilîérente. Peut-être parce qu’ils sont assurés que notre âme est d’essence divine, ils croient cette âme capable de s’élever peu à peu par la pensée jusqu’à l’éternelle Vérité. Leur foi dans l’avenir de la Science et de la Philosophie est comparable à celle des savans les plus positivistes, mais avec une tendance intellectuelle opposée. Pour eux, l’homme peut espérer atteindre à des conclusions de plus en plus rigoureuses, dont la limite extrême serait la certitude : l’éclair divin ayant illuminé ce que nous appelions tout à l’heure l’inconnaissable.

Ils ont beau se soumettre au joug des faits par principe, apporter leur esprit critique à l’examen des théories, s’attacher uniquement à séparer le connu de l’inconnu, non le connaissable de l’inconnaissable, dénier à la théorie physique toute portée métaphysique ou apologétique ; presque malgré eux, ils gardent l’espoir intime de voir la physique aboutir un jour à une métaphysique, comme les positivistes dissolvent inversement la métaphysique dans la physique ; ils se sont formé une conception spiritualiste de l’Univers qui leur apparaît indiscutable.

Cette conviction, très profonde évidemment chez Duhem, il l’a exprimée avec force un jour où, à propos de Maxwell, il a trouvé l’occasion de s’élever contre ces savans sceptiques ou découragés dont nous parlions précédemment, pour lesquels il importe peu qu’une théorie soit vraie ou fausse, son seul but utile et provisoire étant de suggérer des expériences, « Si cette opinion, s’est-il écrié avec une ombre de tristesse, devait être générale et définitive, nous aurions singulièrement gaspillé notre vie, puisque nous l’avons consacrée tout entière à édifier