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circulaire. Enfin, les travaux de Curie ébranlent l’atome chimique, qui se désintègre, se transforme par de brusques explosions, donne lieu à ces transmutations dont ont rêvé les alchimistes…

Tout cela est infiniment ingénieux et séduit l’esprit qui en suit l’exposé méthodique et qui voit chacune de ces hypothèses successives appuyée sur une série de confirmations expérimentales. Quand on pénètre pour la première fois dans ce palais mystérieux de la pensée, on a l’impression d’une bâtisse solide et inébranlable, comme lorsqu’on lisait autrefois un traité de mécanique classique, ou une théorie ondulatoire de la lumière, ou tant d’autres conceptions admirées en leur temps, réputées parfaites et bientôt ruinées. On est d’autant plus conquis que la théorie, tout en conduisant, pour la chimie organique, à des applications pratiques singulièrement fécondes, aboutit, d’autre part, à une conception de la matière satisfaisante pour l’esprit et tend à nous faire entrevoir, sous ses propriétés changeantes, une nécessaire unité. Voici que, dans un gaz quelconque, à la même température et à la même pression, le même volume renferme toujours le même nombre de molécules. Une molécule quelconque produit le même abaissement de température dans un liquide où elle se dissout, détermine la même diminution de la tension de vapeur quand la dissolution se volatilise, exerce en dissolution la même pression osmotique. Une molécule d’un sel quelconque éprouve la même action chimique d’un courant électrique. Un atome d’un corps simple quelconque a la même capacité calorifique, etc… Comment douter un instant d’un système si bien coordonné ?

Mais on se rend compte, en même temps, ce que nous voulions montrer, par quelle méthode ce bel édifice a été construit en superposant successivement hypothèse sur hypothèse, à mesure que celles-ci devenaient nécessaires. Il est possible que nous arrivions ainsi à acquérir l’intuition de ce qui se passe réellement dans ces infiniment petits où se perdait l’esprit d’un Pascal et que cet infiniment petit, qui n’apparaît tel que par les dimensions arbitraires des organes humains, offre en effet une complexité analogue à celle de l’infiniment grand astronomique ; mais nous n’en possédons aucune assurance. Quoique certains physiciens espèrent constater un jour la réalité des atomes, il est beaucoup plus vraisemblable que la possibilité