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comme un moyen de faire fonctionner économiquement des automobiles, des avions ou des turbines, ou même quand on ne la connaît que par les simplifications outrées et les recettes mnémoniques d’un enseignement didactique un peu élémentaire. Il semble alors y avoir un abîme entre les subtilités scolastiques d’une prétendue science oubliée et la rigueur scientifique actuelle. Or, voici un savant très moderne, qui s’est particulièrement attaché à rester dans le domaine des faits expérimentaux ; dès qu’il veut exposer les principes de la science, il emploie à chaque ligne des termes comme potentiel, énergie, action, résistance passive, inertie, capacité calorifique, attraction, hystérésis, fluide, catalyse, etc., qui tous correspondent à des abstractions, à des généralisations dont nous pouvons nous faire une image plus ou moins concrète, parce que nous avons pris l’habitude d’y attacher un sens déterminé, mais dont l’obscurité métaphysique égale pourtant celle des termes employés par les logiciens des temps passés. La querelle de l’Énergétique et de l’Atomistique que nous venons de résumer n’a-t-elle pas rappelé à quelque lecteur les antiques discussions des philosophes grecs opposant avec passion la conception d’Anaxagore ou d’Héraclite à celle de Démocrite d’Abdère ?… C’est là un premier encouragement à ne pas nous laisser arrêter bientôt par des mots ou par des modes de raisonnement désuets et à chercher au-dessous ce qu’ont pensé des hommes dont la valeur intellectuelle, dont l’aptitude expérimentale égalaient très probablement les nôtres.


II. — LA SCIENCE DU MOYEN ÂGE


L’histoire des Sciences a tenu une très grande place dans l’œuvre de Duhem ; il s’en est occupé toute sa vie et volontiers, quand il exposait les principes d’une science, il adoptait un ordre historique. Rapprochés les uns des autres et mis sur un même plan, ses travaux fourniraient les élémens d’une histoire générale des sciences physiques qu’il comptait écrire un jour. C’est surtout l’astronomie et la statique qui l’ont occupé pour les temps anciens parce qu’elles étaient alors à peu près seules développées ; mais, pour les époques plus modernes, il a porté également son attention sur les autres sciences physique et chimique qui ont pris l’une après l’autre