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royaume de Belgique fût « un produit moderne des intrigues diplomatiques anglo-françaises[1], » et qu’il n’y eût là qu’une « création artificielle, » dans laquelle auraient été « fondues, par contrainte, la Flandre et la Wallonie, » ainsi condamnées « par la force à vivre dans un même cadre et à s’y menacer, réciproquement, de violence et d’asservissement[2]. »


V

Les Flamands ont une langue, et les Wallons en ont une autre : l’Allemagne invoque cette dualité, pour contester l’unité belge. L’effort individuel d’un Jean de Brabant, d’un Artevelde et d’un Philippe le Bon, la poussée collective des Gueux de 1566, des Brabançons de 1790, des insurgés de 1830, tout cela ne compte pas pour elle ; c’est une histoire dont elle n’a cure. Elle ne veut retenir, aux origines de l’unité, que les manèges diplomatiques de Londres ; et rétrospectivement, au nom du bilinguisme belge, elle les condamne. Mais à ces manèges, le représentant de la Prusse s’associait : il siégeait à la Conférence de Londres, il y votait. Il y ratifia, tout comme les autres, l’unité belge ; il y ratifia, même, la neutralité belge, sans pressentir, j’espère, que, moins d’un siècle après, Berlin lacérerait sa signature en lacérant le chiffon de papier. Mais l’Allemagne étouffe ces souvenirs, dont le caractère sacré pourrait la gêner : elle ne veut plus qu’avec deux langues on fasse un seul Etat. C’est là une conclusion que tout le passé belge répudie.

Quatre millions d’individus d’idiome maternel flamand voisinent et s’entre-mêlent, en Belgique, avec un peu plus de trois millions et demi d’individus d’idiome maternel wallon. « Le territoire belge a, sur la carte, la configuration générale d’un triangle, divisé, au point de vue linguistique, en deux parties égales, par une ligne idéale courant horizontalement, c’est-à-dire d’Est en Ouest, et entamant ou traversait six provinces sur neuf : Liège, Limbourg, Brabant, Hainaut et les deux Flandres. La partie au Nord de cette ligne est flamande ; la partie au Sud, wallonne[3]. « La vieille « forêt charbonnière, » qui jusqu’au IXe siècle s’étendit des rives de l’Escaut

  1. Schulze-Gavernitz, Vossiscke Zeitung, n. 102, 25 février 1917.
  2. Comte Reventlow, Deutsche Tageszeitung, n° 58, 1er février 1917.
  3. Passelecq, la Question flamande et l’Allemagne, p. 33.