être aimés (Jean de Sancy, Albert Donnat, Robert de Chantemelle), aimer même (Robert encore et Donnat) ; toujours quelque passion supérieure à l’amour domine leur existence : fierté nobiliaire, culte de la science, ambition politique, désir de la gloire. Passions nobles, on le voit, et qui peuvent empêcher les moins généreux de sombrer dans l’odieux ou le ridicule.
De fait, aucun d’eux n’est vulgaire. Les moins sympathiques sont encore des orgueilleux forcenés comme Albert Donnat ou Michel Prinson. C’est l’amour de la gloire qui a lancé Michel dans les vastes et dangereuses entreprises ; c’est l’ivresse de l’indépendance qui l’a jeté dans la révolte sacrilège ; c’est l’horreur de l’humiliation, le mépris de toute faiblesse sentimentale qui lui dictent son cynisme et qui, pour décourager mieux la pitié, lui interdisent la douceur des aveux et des larmes. »
C’est l’orgueil aussi qui conduit Albert Donnat. Oui, il a le culte de la Science et de l’Humanité, il se voue à leur service ; mais c’est en participant à leur dignité presque divine, en recueillant chaque jour d’innombrables hommages de reconnaissance dévotieuse, en méconnaissant le dévouement, les besoins et les droits de ceux qui l’approchent de plus près, en trahissant pour sa fonction publique les devoirs obscurs mais impérieux de sa vie familiale. C’est l’orgueil enfin, orgueil intellectuel mais orgueil suprême, qui le rend criminel ; c’est son refus de croire non seulement au surnaturel, au mystérieux, mais à l’accident, qui l’amène au meurtre scientifique.
Qu’il y ait de l’orgueil chez Jean de Sancy, c’est trop évident ; et de cet apôtre en gants blancs qui découvre, à la fois, le charme et les dangers des succès oratoires, le cas serait banal, si cette découverte, en posant devant lui le cas de conscience le plus angoissant, ne déterminait en son âme une révolution douloureuse. Orgueil donc, orgueil conscient, mais orgueil d’un honnête homme, sinon d’un chrétien qui se refuse à la duplicité d’un apostolat plus profitable à l’orateur qu’à son auditoire.
Chez Robert de Chantemelle, enfin, l’orgueil devient presque une vertu. S’il est fier de sa noblesse, c’est que plus qu’un héritage de titres et de privilèges, elle constitue pour lui un patrimoine d’honneur. Or, à ses yeux, honneur c’est désintéressement ; c’est aussi silence dans l’épreuve, et grandeur dans le sacrifice, fût-ce celui de la mort. Aussi, quand il découvre