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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 45.djvu/616

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Salons qui suivirent l’Année terrible, dès 1872 et 1873, l’apparition de ces lignards ou de ces mobiles, si différents des imperturbables héros de David : ces êtres souffrants, saignants, boueux, affamés, héroïques, piétinant dans la neige les décombres des bois dénudés par l’hiver, sous les fumées déchirées par le vent, disputant pied à pied à l’envahisseur le champ le village, la forêt, le parc, le mur, — notations émues d’un combattant, qui préfiguraient pour les esprits attentifs tant de choses de la présente guerre.

Il semble qu’aujourd’hui un même renouveau dans le tableau de bataille ait dû se produire. Cette guerre, dit-on, ne ressemble à rien de ce qui l’a précédée. Elle doit donc renouveler son image. Les témoins ne manquent pas. Les artistes aux armées sont nombreux. L’équipe des « camoufleurs » en compte de célèbres. Dans toutes les armes, il s’en trouve. Quelques-uns des combattants ont pu travailler, prendre au moins quelques croquis. Ceux de M. Georges Leroux, d’un accent si ferme et si sûr, de M. Charles Hoffbauër, puissant coloriste, de M. Louis Montagne, de M. Mathurin Méheut, de M. de Broca, de M. Georges Bruyer, de M. Bernard Naudin sont précieux. D’autres, sans combattre eux-mêmes, ont pu suivre l’armée, prendre part au spectacle et au danger. Quelques-uns, en le faisant, n’ont fait que reprendre le chemin de leur jeunesse. M. Flameng, qui avait abandonné les fastes de l’épopée napoléonienne pour peindre le portrait de ses belles contemporaines, s’est remisa fourbir des armes et à allumer des explosions. M. Le Blant, qui avait renoncé à précipiter des Chouans contre des habits bleus pour guetter les passages fugitifs de la lumière sur des scènes rurales, a repris le crayon qui traçait les silhouettes héroïques. Déjà, on a pu voir plusieurs de ces notations à la galerie Georges Petit, entre autres à l’exposition des dessins de M. Georges Scott, des aquarelles de M. Jean Lefort, des paysages de guerre de M. Joseph Communal, puis au Luxembourg, où de nombreux peintres ont mis leurs études ; un grand nombre de témoins ont apporté leur témoignage à l’Illustration. M. Duvent et M. Vignal y ont donné d’admirables et sinistres vues de Ruines. M. Lucien Jonas y a dessiné des types de poilus qui deviendront peut-être classiques à l’égal des grognards de Raffet et de Charlet. On a pu deviner quelque chose des combats et des bombardements aériens par les tableaux de M.