Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 45.djvu/723

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Confédération helvétique. De même que nous nous sommes engagés à lui fournir une certaine quantité de charbon qu’elle emploiera pour notre usage, la Suisse, parallèlement, s’est engagée à continuer de nous fournir du bois et de la pâte de bois. Elle traite avec l’Allemagne, mais elle traite avec nous. Elle échappe à l’étreinte, elle reste indépendante et souveraine : elle a un peu fléchi, arrêté, à tout le moins mis au cran la tyrannie allemande, qui n’a pu, sur elle, aller jusqu’au bout de ses fins. Ce qu’il faut retenir de la négociation germano-suisse comme de la négociation germano-hollandaise, c’est leur moralité ou, du côté allemand, leur amoralité. Les desseins de l’Allemagne, qui, en Hollande, ne se bornaient pas au sable, ne se bornent pas en Suisse au charbon. Elle rase la zone autour d’elle ; elle étend ses vues et ses prises ; par sa campagne sous-marine et par ses campagnes économiques, elle éteint les concurrences ; elle conquiert ou prépare des marchés. L’Empire allemand, qui a si grande peur de la guerre d’après-guerre, prend l’avance et, pendant la guerre, fait cette guerre d’après-guerre, même aux neutres. En réalité, à ses yeux, devant son ambition césarienne, il n’y a point de neutres ; toute la différence est que les neutres reçoivent ses coups autant que les belligérants, et ne sont pas, comme eux, en mesure de les lui rendre.

Nous serions perdus, si nous pouvions oublier que c’est le seul langage qu’elle entende et que c’est donc le seul qu’il faille lui parler. Heureusement, nous ne l’oublions pas. La formule brève et péremptoire : « Je fais la guerre » a, entre autres mérites, cette vertu incomparable qu’elle nous unit, alors que la formule plus brève encore mais indéfinie : « Causons, » nous diviserait. Diviser l’Entente, tel apparaît, plus on y réfléchit, le sens de la manœuvre du comté Czernin, dépourvue de tout autre sens et inintelligible dans toute autre hypothèse. Il serait plus que naïf, et naïf est un mot poli, de nous y prêter. Ni le Président Wilson, il est inutile de le dire, ni M. Lloyd George, ni M. Balfour, qui ont eu l’occasion de s’en expliquer ces jours-ci, n’y ont été pris. Mais peut-être n’est-il pas inopportun d’exprimer le vœu qu’on veuille bien s’en remettre à nous du soin de préciser certaines questions, délicates du reste et, hors de chez nous, peu connues même géographiquement, parlant mal posées, qui nous regardent plus que d’autres et ne touchent nos alliés que par contre-coup de la communauté de leur cause avec la nôtre. Peut-être aussi n’y aura-t-il point d’inconvenance à regretter qu’à la Chambre des Communes, la lettre de l’empereur Charles,