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allemand répondit, neuf jours plus tard, au télégramme de son ambassadeur, par la déclaration d’une zone de guerre interdite aux vaisseaux neutres et l’annonce d’une reprise de la guerre sous-marine sans merci. Les événements dès lors se précipitèrent. La nouvelle de l’ultimatum fut connue à Washington le 31 janvier au soir. Le samedi 4 février, à 2 heures de l’après-midi, le Président exposait devant le Congrès les raisons qui l’avaient décidé à faire remettre ses passeports à l’ambassadeur d’Allemagne.

La partie est désormais définitivement perdue pour le comte Bernstorff. Quelle est alors son attitude ?

Quand l’assistant solicitor au Département d’Etat, M. Woolsey, remit au comte Bernstorff ses passeports, celui-ci avait été averti, depuis une heure déjà, par trois reporters accourus en hâte, de la décision du Président. Il a eu le temps de se composer un visage quand il reçoit l’envoyé et le message de la Maison Blanche. Après l’avoir reconduit, il voit les trois reporters qui sont restés dans le hall guettant sa première impression. Il les fait entrer d’abord dans son cabinet. Il leur offre, suivant sa coutume, cigares et liqueurs. Il rit, il plaisante avec eux. Il affiche une crainte comique de toutes les visites qu’il lui faudra faire, de toutes les questions qu’on lui posera, et auxquelles il lui faudra répondre. Il redoute les journalistes surtout et ce qu’on lui fera dire. Il prend conseil de ceux qui sont là pour formuler avec eux une déclaration générale, qu’il a préparée la veille, mais dont il leur attribue la rédaction : « Je ne suis aucunement étonné et mon gouvernement n’aura aucun étonnement. On savait à Berlin ce qui ne pouvait manquer de suivre la décision qui a été prise. Mon rôle a été seulement d’obéir aux instructions que j’avais reçues de mon gouvernement. »

De tout ceci naturellement, pas un mot n’est vrai. Mais c’est là considération secondaire ! L’important est de le donner à croire.

Cependant l’ambassadeur perçoit, dans la note officieuse que l’International News Agency transmet d’Allemagne, le regret de l’action commise, le désappointement et l’hésitation de son gouvernement. Il ne serait pas l’homme que nous avons connu, s’il ne s’en réjouissait d’abord in petto et s’il n’y trouvait dans ses ennuis actuels un grand réconfort. C’est le premier mouvement. Le second le pousse à tenter de pallier les conséquences