Nous avons presque fait comme si, ayant à nous excuser, nous nous excusions sur eux. Mais de quelle « surprise » parle-t-on? Il ne pouvait y avoir de surprise au sens le plus général ; nous ne pouvions pas être surpris par la reprise de l’offensive allemande; nous savions que l’Allemagne ne pouvait pas se dispenser de la reprendre. Encore une fois, elle était maîtresse de ne pas la commencer, ou elle paraissait l’être, après ses victoires plus diplomatiques que militaires, ses victoires honteuses de Russie ; mais, l’ayant commencée, elle n’était plus maîtresse de l’interrompre. La nécessité, inflexible comme la mort, à chaque halte, à chaque suspension, lui crie : « Marche! » Il ne fallait pas commencer, ou il faut finir. Tout démontre qu’il n’y a pas eu, qu’il ne pouvait pas y avoir de surprise, — comment dire? — disons de surprise « politique. » Les fatalités politiques et économiques s’accordaient pour interdire à l’Allemagne, sinon de souffler et de s’éponger, certainement de s’arrêter. Reste la surprise stratégique. C’est entendu : l’Allemagne devait reprendre l’offensive, elle ne pouvait pas ne pas la reprendre, mais où? Changement de décor, rideau baissé. Personne n’a rien vu, rien entendu, rien soupçonné. Au lieu de l’Avre et de la Somme, l’Ailette et l’Aisne. Nous étions obligés de faire allusion à cette ignorance, puisqu’on l’a alléguée, mais nous préférons ne pas y croire; et nous en avons de bonnes raisons. Notre haut commandement ne surveillait-il pas tout le front, et plus particulièrement le secteur de Champagne? Mais il y a les possibilités. Les effectifs ont leur limite, les voies et les moyens de transport ont les leurs. Inutile de compliquer : c’est simple et péremptoire comme l’arithmétique et comme la géométrie. La défection bolcheviste a doublé les disponibilités germaniques; les nôtres ne s’accroissent que lentement par l’apport des États-Unis; la ligne droite est toujours le plus court chemin, et toujours la corde est plus courte que l’arc. Pourquoi n’invoquer jamais que l’erreur ou la faute? C’est être bien sûr de soi que de douter ainsi des autres. Ce qu’on appelle erreur et faute, il nous plaît de l’appeler prudence et manœuvre. L’état-major a tout de même plus d’éléments d’information et de décision ; reconnaissons aussi qu’il a plus de préparation, plus d’éducation, et plus d’adaptation aux choses de son métier que le premier venu. Que le général Foch se couvre, comme d’un bouclier de diamant, de la confiance universelle. Il ne demande rien que du temps. « En mars, a-t-il rappelé tranquillement, il a fallu huit ou dix jours pour rétablir la situation. » A tous égards, il convenait de lui faire ce crédit, car c’était déjà quelque chose que de s’être mis, après
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