Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/225

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cadres » du christianisme. Il s’en est détaché ; il s’est laïcisé, pour ainsi dire, et, depuis la fin du xvin9 siècle, il devint le romantisme.

5° Le socialisme est une sorte de mysticisme romantique. Peut-être le socialisme sera-t-il, plus tard, « rationnel : » mais il ne l’est pas encore.

6° Avec sa croyance à une collaboration divine, le mysticisme est « un tonique très efficace de l’action. » Il parait indispensable même, pour mettre enjeu l’activité humaine : il est à l’origine de tous les grands événements historiques. Et l’histoire est ainsi une aventure très mystique.

7° Mais, de sa nature, le mysticisme serait un principe d’absurdité, s’il n’obéissait à une discipline qui ne l’étouffé pas, qui le guide. Et le christianisme a été sa discipline la meilleure.

Voilà, en résumé, la philosophie de l’impérialisme. Et c’est une philosophie de l’histoire. Et il n’est rien de plus séduisant qu’une philosophie de l’histoire : aussitôt, il nous semble que tout le désordre d’ici-bas se range, que les hasards sont devenus intelligents et dociles et qu’un horrible scandale a cessé. A regarder l’histoire, sans philosophie, l’on se demande si l’on n’est point dupe d’un cauchemar. Ce qui s’est vu, se voit et se verra tant que le monde sera monde, l’Alighieri n’a pas vu pire, en ce voyage qu’il a fait au plus sombre séjour. C’est un spectacle que nous supportons par habitude et grâce à notre plus humble vertu de frivolité. « Les hommes, dit Pascal, n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n’y point penser. » Et ils traitent pareillement l’histoire, où l’ignorance, la misère et la mort ont des compagnes monstrueuses. La frivolité, une sorte d’étourderie ou de naïveté, nous permet de vivre dans l’histoire et sauve d’un chagrin qui les tuerait la plupart des historiens. Si l’on n’est pas frivole, il faut, pour songer à l’histoire et la parcourir sans défaillance, un maître, comme Dante eut Virgile : le maître, c’est un philosophe de l’histoire. Il nous empêche de nous étonner ; il nous avait avertis : et il nous montre que tout cela dépend de lois sublimes et nécessaires. Il nous calme ainsi. Une philosophie de l’histoire est un bienfait que l’on n’a point à refuser.

Malheureusement, les philosophies de l’histoire ont l’inconvénient des métaphysiques. Elles sont diverses, nombreuses. On cherche vainement à les réunir : elles ne concordent jamais. Et l’on cherche malaisément à préférer l’une d’elles. Certes, il y en a de meilleures que d’autres ; mais il n’y en a pas une qui ait supprimé