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félicitations du maréchal Hindenburg, dépêches du chancelier de Hertling, et, naturellement, remerciements du Suprême seigneur de la guerre et de la paix à ses lieutenants militaire et civil. Or, de toutes les choses qu’il pouvait dire en cette circonstance, quelle est la chose qu’il n’a pas pu taire, qui s’est en quelque sorte, tant il en était plein, ou tant on la lui tirait, échappée de lui malgré lui ? Écoutons ce discours ; il en vaut la peine. « Lorsque la guerre éclata, proclame Guillaume II, je savais très bien de quoi il s’agissait, car la participation de l’Angleterre signifiait la guerre universelle. Qu’on le voulût ou non, il ne s’agissait pas d’une campagne stratégique, mais d’une lutte entre deux conceptions du monde : ou bien la conception prussienne, allemande, germanique (remarquez la gradation, qui serait plus exacte à l’envers) du droit, de la liberté, de l’honneur, de la morale, doit continuer à être respectée, ou bien la conception anglaise doit triompher, c’est-à-dire que tout doit se ramener à l’adoration de l’argent et que les peuples de la terre devront travailler comme des esclaves pour la race de maîtres des Anglo-Saxons qui les tient sous le joug. Ces deux conceptions luttent l’une contre l’autre. Il faut absolument que l’une d’elles soit vaincue. La victoire de la conception allemande du monde ; voilà ce qui est en jeu. » Et, dans le télégramme au comte Hertling, où il associe étrangement « Dieu qui a mis un poids bien lourd sur ses épaules, » la « conscience de son bon droit, » la « confiance en son glaive acéré, » sa force et le « bonheur d’être à la tête du peuple le plus capable de l’univers, » l’Empereur dévoile la face épouvantable, prononce le nom exécré, en haine desquels les trois quarts de l’humanité se sont levés contre l’Allemagne et ne veulent pas connaître de repos tant qu’ils ne s’en seront pas délivrés. « Je sais, affirme-t-il, que le militarisme prussien, que nos ennemis attaquent beaucoup, et que mes ancêtres et moi-même avons développé comme incarnant le sentiment du devoir, l’esprit d’ordre, de fidélité et d’obéissance, a donné au peuple allemand et à l’épée allemande la force de vaincre, et que la victoire apportera la paix qui garantira l’existence du peuple allemand. »

Oui, la conception germanique, allemande, prussienne, du droit, de la liberté, de l’honneur, de la morale (la plume saute des doigts, à ce rapprochement sacrilège), voilà l’enjeu de cette guerre où l’Allemagne a montré ce qu’elle faisait de la morale, de l’honneur, de la liberté, du droit ; voilà ses « buts de guerre, » et, du même coup, voilà les nôtres.

L’Allemagne a voulu la guerre, et elle la fait, et elle la mènera