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l’estomac et de la tête, et les disputes des partis ne seraient rien, si elles n’étaient une manifestation du désaccord irrémédiable des races. Dans cette marmite, où ne cuit aucune nourriture, bout le conflit des nationalités, Tchéco-Slovaques et Yougo-Slaves contre Allemands et Magyars, Polonais contre Ruthènes, tous contre tous et chacun contre les autres.

Si, par hasard, de la seconde campagne autrichienne d’Italie, où l’on n’a copié de Bonaparte que ses proclamations (et il eût été prudent de ne les imiter qu’après la bataille), on avait eu l’idée de faire une manière de soupape de sûreté, cette soupape coincée ou fêlée, la chaudière pourrait éclater. On a pris grand soin de nous assurer que, « rivalisant avec les troupes allemandes d’Autriche et les troupes hongroises, les bataillons tchèques et polonais-ruthènes ont, par leur vaillante conduite, donné la preuve que les tentatives, réitérées chaque jour depuis des mois, de l’ennemi pour les amener à une trahison et à une coquinerie, sont restées sans résultat, » mais précisément on en a pris trop de soin, on nous l’assure, et on se rassure trop !

N’allons pas plus loin pour l’instant, et n’anticipons pas, mais constatons. La centenaire Autriche, l’Autriche de 1806, l’Autriche-Hongrie de 1867, éprouve, de toutes façons et sous tous les rapports, à tout le moins une certaine difficulté de vivre. On comprend que, lui non plus, le ministre commun des Affaires extérieures, M. le comte Burian, n’ait pas rapporté de Berlin, toute faite, la solution d’aussi graves problèmes. En eût-il, verbalement, nominalement, rapporté l’apparence dans la peau crevée par avance d’un pseudo-royaume de Pologne, qu’il n’en eût pas moins rapporté en réalité la subordination, la sujétion, l’inféodation de l’Autriche à l’Allemagne; et peut-être qu’eux-mêmes les Allemands d’Autriche ne s’en réjouissent pas tous, à commencer par les archiducs, jadis si orgueilleux, de la maison de Habsbourg. Nous avons eu raison de le dire : les arrangements projetés entre l’Empire allemand et la Monarchie austro-hongroise, aussi bien l’alliance des armes, le Waffenbund, que le Zollverein, l’union douanière, et que les conventions financières et monétaires, tendent et conduisent à une concentration de ressources si générale et si complète que ce serait une unification. Il ne resterait plus de la couronne d’Autriche et de la couronne de Saint-Etienne que des ombres, qu’époussetterait de temps en temps dans leur vitrine, pour des cérémonies falotes, une ombre d’empereur-roi. De fait, serait reconstitué, sous le nom d’Europe centrale, le défunt Saint-Empire romain de nation germanique, avec cette différence,