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Hindenburg, avait paru disposé à réduire le front occidental, afin de s’y mieux fortifier, — sans plus, — pendant l’année 1917. Il avait alors abandonné une partie des régions encore occupées de l’Oise et de la Somme et reporté sa ligne de défense en arrière, de Ribécourt devant Marcoing, au Nord, à Anizy-le-Château au Sud, quitte, laissait-il entendre, à se faire de ses nouvelles positions, pour le moment infranchissable barrière opposée à l’ennemi, un solide tremplin pour s’élancer, quand les circonstances seraient favorables, à la reconquête de la France.

Tout en laissant devant le front occidental la grosse majorité de ses forces, le vieux vainqueur des lacs de Mazurie pensait probablement se débarrasser de la Russie par une campagne de quelques mois, lorsque la révolution vint, en paralysant d’abord l’armée moscovite, puis en la dissolvant, lui épargner ce soin. La campagne de 1917 contre la Russie ne fut pour les Allemands qu’une manière de « grandes manœuvres. » Ils exercèrent, sans grand risque, les jambes de leurs soldats et le cerveau de leurs officiers à la guerre de mouvement restaurée ; ainsi nos malheureux alliés russes défaillants, tout en ne nous prêtant plus aucun concours, offraient à nos communs ennemis un facile champ d’expérience où les facultés combatives de ceux-ci s’entraînaient moins dans le dessein d’écraser les Russes, qui presque partout cédaient sans combat, que dans celui de se préparer, par ces marches stratégiques et ces assauts machinés, à attaquer avec de nouvelles méthodes de plus redoutables adversaires.

Hindenburg en effet, — ou plus vraisemblablement le groupe de hauts officiers qui travaillent, commandent et agissent sous cette prestigieuse « raison sociale, » — avait su tirer des mésaventures de l’armée allemande sur le front d’Occident des enseignements précieux.

Tout d’abord, une leçon d’ordre moral se dégageait pour l’état-major de l’aventure de Verdun : l’Allemagne, profondément mortifiée par un échec meurtrier, ne supporterait point deux fois une si cruelle désillusion ; il ne fallait donc attaquer derechef qu’avec toutes les chances de vaincre cette fois, et de vaincre rapidement, absolument et décidément. Or, la victoire n’était possible, contre un front aussi redoutable que celui de France, qu’à une condition, c’est que toutes les supériorités fussent du côté de l’assaillant. La Révolution russe, en dissolvant la Nation avec l’Armée, la honteuse capitulation du