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états-majors français et anglais qui fixait au sixième jour de la bataille, — la résistance britannique ayant été présumée plus longue ou la poussée allemande moins irrésistible, — l’intervention des troupes fraîches françaises dans la mêlée. Le général Pellé, le général Humbert se tenaient prêts à jouer leur rôle dans le délai convenu, — non moins que les généraux d’armée désignés, le cas échéant, pour abandonner en d’autres mains leur secteur de front. Wagons et camions étaient assemblés pour que le transport se fît dans les conditions prévues. Certes mieux eût valu que, sous un chef suprême unique, corps français et anglais fussent amalgames, que des réserves françaises pussent être groupées derrière le front anglais, dans la zone britannique, que l’on n’eût point en pleine crise à conférer pour modifier les dispositions ou hâter les transferts ; mais j’ai dit, et je n’y reviendrai point, la situation et ses conséquences. Il n’en est pas moins qu’en quelques heures, on allait voir apparaître sur la ligne de bataille les casques bleus de France et qu’en quelques jours, vingt divisions françaises allaient relever sur un front considérable, — de Noyon au sud d’Amiens, — nos alliés épuisés.

La seule surprise fut qu’il fallût intervenir si vite et dans des conditions si défavorables. Car autre chose était pour des états-majors et les troupes de venir sans hâte, avec tous leurs moyens, prendre, sous la couverture des alliés combattant sur leurs lignes de bataille, leur place de combat, autre chose d’être précipités en quelques heures, les états-majors parfois sans troupes, les troupes parfois sans artillerie ni ravitaillement, sur un champ de bataille où des trous étaient à boucher, des voies d’eau à aveugler, des positions essentielles à reconquérir. Mais Pétain comptait sur une armée qui, portée par ses soins constants depuis un an, à un haut degré de moral, entraînée par les heureuses offensives de l’été et de l’automne de 1917 sur la rive gauche de la Meuse et les collines de l’Aisne, était, à ses yeux, l’instrument le plus propre à rétablir énergiquement une situation compromise.

Le général en chef, instruit des péripéties de la première journée, avait jugé l’intervention française nécessaire au plus vite. Je dirai de quel œil clair Pétain avait, dès la première heure, envisagé l’événement, aperçu les conséquences qu’il comportait et, d’avance, envisagé les mesures qu’il entraînait. Il