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Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/349

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mauvais à la France et mauvais à la religion. La pensée de sauver la France et la religion, de délivrer la Reine et le Roi, dut l’effleurer, dut la tenter. Surtout, elle obéissait à un sentiment de tendresse où elle était sûre de ne mêler aucune ambition et qu’elle s’appliquait à préserver contre l’ambition d’autrui. Le cardinal essaya de la gagner à sa cause et n’y réussit pas : alors, il décida de la perdre ; et il était le plus fort. Mlle de La Fayette s’aperçut un jour qu’elle avait de terribles ennemis et des amis plus redoutables. Elle eut peur. Et bientôt elle eut peur du Roi, qui tout à coup s’émut d’un entrain tel qu’en ont par crises les timides. Il la pressa de céder à cette impulsion de son amour : il l’installerait à Versailles, loin de tout le monde ; elle serait l’amie du Roi et, car il délirait, ne serait-elle pas la maîtresse du Roi ?… Elle fut nonne au couvent de Sainte-Marie. Elle quitta pour jamais la cour, le siècle et oublia toutes choses dans le soin de l’éternité.

Mlle de La Fayette, qui prend à la Visitation le nom de sœur Louise-Angélique, ne connaît pas la petite fille au devanteau. Dans quelque vingt ans, cette petite fille sera sa belle-sœur et portera le nom de La Fayette. L’aventure qui mena au couvent l’amie de Louis XIII aura de l’influence, plus tard, sur l’âme qui est enfantine encore. Les hasards font leur jeu séparément. Et, dans sa série, chacun d’eux suit une logique de réalité. Aucun d’eux n’est un hasard. C’est leur rencontre qui, étant imprévue, compose le mystère étonnant d’une destinée. Une petite enfant qui vient de naître et qui, frivole, attend et qui ne sait ce qu’elle attend et ne sait même pas qu’elle attend, ressemble à cette jeune guerrière de Virgile, Camille allègre et menacée, — nec ipsa nec aurae — nec sonitus memor aut venientis ab aelhere teli. — Elle ignore qu’un trait siffle dans l’air autour d’elle et vient à elle infailliblement, suivant la ligne des fatalités. Elle ne devine pas ; et elle ne pourrait deviner : il y a, entre la sûreté des hasards et sa naïveté, le contraste pathétique et dur qui est le caractère étrange et vain de toute vie humaine.

Approchons-nous de Marie-Madeleine de La Vergne, mais sans hâte et connaissons d’abord ses parents.

Son père, Marc Pioche, écuyer, sieur de La Vergne, n’est pas illustre ; et, sans elle, on ne parlerait pas de lui. C’était un gentilhomme, de petite noblesse, et qui eût fait dans l’armée