Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/359

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’attention : illustrissime et révérendissime seigneur messire Jean-François Paul de Gondi, coadjuteur de l’archevêché de Paris. Et, le fiancé, l’acte le désigne ainsi : messire Renault-René de Sévigné, chevalier, seigneur et baron de Champiré, conseiller du roi en ses conseils et maréchal de camp ès armées de Sa Majesté, demeurant à Paris, cloître Notre-Dame, paroisse Saint-Jean-le-Rond, fils de défunts haut et puissant seigneur Joachim de Sévigné, vivant aussi chevalier, seigneur d’Olives et autres places, et de dame Marie de Sévigné.

Ce mariage fit assez de bruit pour émouvoir la Muse historique, malicieuse et un peu sotte de Loret, lequel raconte que Sévigné, renonçant au voyage de Malle, — et à ses vœux de chevalier de Malte, — a fait halle, et c’est la rime, auprès d’une veuve, « cette affaire lui semblant bonne. » Il ajoute : « Mais cette charmante mignonne, — qu’elle a de son premier époux, — en témoigne un peu de courroux, — ayant cru, pour être fort belle, — que la fête serait pour elle, » etc. Là-dessus, on a posé, sans la résoudre, la question de savoir si Mlle de La Vergue n’avait pas été un peu éprise du chevalier, lorsque sa mère s’apprêtait à l’épouser. Subtile aventure du cœur, et l’esquisse d’un roman qui peut aguicher l’imagination, mais que rien ne permet de croire authentique. Nous verrons Mlle de La Vergue demeurer sans alarme auprès de sa mère et de son beau-père. Après la mort de sa mère, elle continuera d’avoir avec M. de Sévigné les relations les plus naturelles, un peu cérémonieuses, très courtoises, malgré les intérêts de chacun. Et, quand il mourra, Mme de Sévigné, la nièce de ce beau-père, écrira tout bonnement à Mme de Grignan : « J’oubliais de vous dire que notre oncle de Sévigné est mort. Mme de La Fayette commence présentement à hériter de sa mère. » Au surplus, le futile Loret ne dit pas ce qu’on lui fait dire. Le sentiment qu’il prête à Mlle de La Vergue est plutôt le dépit d’une jeune fille, et très jeune, — elle n’a pas seize ans, — qui s’attendait qu’un mariage, dans sa famille, lut le sien. Mais il ne faut pas se fier avec minutie à ce gazetier, qui bavarde, et qui bavarde en vers dont il n’est pas le maître souverain. Puis, Loret, les mariages sont l’un des sujets principaux de ses chroniques. C’est un homme qui a besoin de mariages pour manger. S’il n’en a pas de tout faits, il en fabrique. Au mois de juillet 1651, c’est une demi-année après le mariage de la mère,