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SONNET ET STANCES DANS LE GOUT ANCIEN


I


Il fait beau dans mon cœur, il fait clair dans ma vie ;
L’air est plein de parfums, l’azur est glorieux ;
La lumière du ciel se reflète en vos yeux
Et votre bouche semble une rose fleurie.

Vous êtes le bois sombre et la fraîche prairie,
La fontaine secrète au flot mélodieux
Et le sentier obscur marqué du pas des Dieux,
La grotte où l’on repose et l’autel où l’on prie.

Vous êtes le rayon et vous êtes la flamme,
Vous êtes à la fois le philtre et le dictame,
Car l’amour éblouit et consume à la fois ;

Et, dans mon cœur soumis qui devant lui s’incline,
S’il a pris vos regards, vos traits et votre voix,
C’est pour que sa beauté m’en parût plus divine.

II


Amour, qui fut mon maître, a pris votre visage
Afin de m’apparaître ainsi que je vous vois,
Et j’ai prêté l’oreille à son divin langage
En lui reconnaissant le son de votre voix ;

Et voici maintenant que toute ma sagesse
S’en va comme un manteau déchiré par le vent
Et qu’une éblouissante et terrible allégresse
Me brûle de sa flamme et de son feu vivant ;

Mes mains qui ne tressaient que la pâle couronne
Que pose le regret au front du souvenir
Ont cueilli dans l’éclat de leur pourpre d’automne
Les feuilles de l’espoir et la fleur du désir.