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L’ANNEAU


Les longs rideaux tirés pendent à la fenêtre
En plis droits et pesants ;
Le feu brûle et soudain l’on voit mourir ou naître
Ses fantômes ardents ;

Le vieux bureau de laque et la commode peinte
Près de l’écran chinois
Et le lustre dont le cristal s’irise et tinte
Sont là, comme autrefois ;

Comme autrefois aussi le vieux portrait s’écaille
Par le temps déverni,
Et le miroir, en son lourd cadre de rocaille,
S’embue et se ternit.

Rien n’a changé, mais tout, aujourd’hui, semble attendre
Mystérieusement
Quelque chose que je vais dire, et pour l’entendre,
Tout le silence attend…

Ne pensez pas, ô chers témoins des heures mortes,
Que je revienne ici
Comme ces voyageurs dont la mémoire apporte
De fabuleux récits.

Ou comme un conquérant qui suspend à sa poupe
L’héroïque Toison,
Et de qui la stature en airain se découpe,
Sur l’or de l’horizon.

Non ! Celui qui revient sans trophée et sans gloire.
C’est moi, c’est toujours moi,
Et de quel vain laurier m’eût paré la victoire,
Car je porto à mon doigt,