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le front d’Orient, qui, en réalité, et par le vide créé à l’extrémité orientale de l’Europe, devient le front d’Asie.

Ce que peut et doit être ce front, comment il paraît appelé à se constituer, quels seraient son but et sa tâche, tant pour la préservation et la défense des intérêts des Alliés que pour la résipiscence, la récupération, le relèvement de la Russie elle-même, — c’est ce que je voudrais indiquer ici en marquant la situation actuelle, les mesures déjà prises, celles qui se préparent, celles sur lesquelles il est urgent que les Alliés s’entendent pour ne pas nous laisser devancer par un ennemi que le temps presse, que le besoin talonne, et qui n’hésite pas à brûler toutes ses cartouches. Dans cette phase de la guerre et dans cette évolution du destin se découvre, se dessine le rôle d’alliés qui déjà ont rendu à la cause commune de précieux et signalés services, mais dont le concours peut être beaucoup plus essentiel et plus efficace encore pour le quart d’heure proche et décisif que nous avons appris à baptiser de leur nom.


I

Le programme d’avant-guerre de la coalition germanique comportait, comme moyen principal de domination et de conquête, l’établissement au centre de l’Europe d’un « trust » politique et économique qui, en unissant sous la même direction et dans les mêmes mains les intérêts des associés, ferait de l’Europe centrale un seul État. L’Allemagne, l’Autriche-Hongrie, la Bulgarie, la Turquie étaient les membres de ce « trust » de la « Mittel-Europa, » dont la ligne Hambourg-Bagdad était l’artère vitale.

La création, même tardive, du front allié de Salonique à Monastir et jusqu’à la côte albanaise, et l’occupation par les armées britanniques de la Mésopotamie méridionale et de la Palestine ont fait échec au programme dont Guillaume II réclamait si fièrement la paternité, et fermé à la coalition l’accès de la Méditerranée, ainsi que cette grande voie impériale de l’Asie-Mineure qu’elle croyait déjà tenir et exploiter. Toute cette région du proche Orient, un moment si menacée et exposée, était ainsi soustraite à l’ennemi.

Mais l’effondrement du front russe, la défaite de la Roumanie et l’abandon, par la paix de Brest-Litovsk, de toute la Russie