écrasée et affaissée par tant de malheurs et de revers, a commencé à se ranimer ; la conscience nationale s’est çà et là ressaisie ; de premiers groupes ou noyaux de vie collective se sont reformés ; quelques voix se sont élevées pour rallier les bonnes volontés éparses. Dans certaines provinces du pays, des organismes se sont constitués. Sur la frontière d’Asie notamment, dans plusieurs districts sibériens, ces organismes paraissent avoir pris quelque consistance. Des forces militaires s’y sont agrégées, dont les Cosaques, commandés par le colonel Semenow, et les prisonniers tchéco-slovaques, cherchant à rejoindre le port de Vladivostok, ont été les premiers éléments. Ces différents groupes se tournent d’instinct vers l’Est, c’est-à-dire vers la Chine et le Japon, pour y trouver encouragement et assistance. Dans l’intérieur même de la Russie, une sorte d’enquête faite récemment sur l’opinion des diverses Doumas établissait que, parmi les membres de la dernière Douma de l’Empire, 280 à 21)0 sur 410, et parmi les membres de la Constituante, expulsée par les soviets, 345 sur 568 étaient favorables à une intervention japonaise en Sibérie. La plupart des Russes installés ou réfugiés en Europe partagent le même sentiment et l’ont exprimé, soit comme l’ambassadeur Maklakoff, par des « interviews » de presse, soit par des adresses et manifestes communiqués aux divers gouvernements.
A mesure que ces tendances se produisaient et se confirmaient, se faisait naturellement aux Etats-Unis, d’abord dans l’opinion, puis dans les cercles du Parlement et dans les régions voisines de l’administration, une évolution correspondante. L’un des membres du Sénat, M. King, appartenant au parti démocratique et l’un des plus zélés partisans du président Wilson, a, dans les premiers jours de juin, déposé une motion demandant l’envoi en Russie d’une commission américaine chargée de rechercher avec les Alliés les moyens de neutraliser les influences germaniques et d’aider la nation russe à reconquérir sa liberté. L’ex-président Taft a, d’autre part, dans plusieurs discours, dont l’un prononcé à l’Université de Yale, appuyé.la thèse de l’intervention en Asie et en Russie pour le rétablissement d’un front oriental, d’accord avec le Japon et tous les Alliés. Deux autres sénateurs. Mme Lewis et Fall, déclarent, à la date du 20 juin, que les Etats-Unis devraient eux-mêmes envoyer des troupes au front oriental, que ce serait