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possible de saisir directement ce qui s’y passe, puisqu’elle ne commence qu’au point exact où s’arrête notre clair regard. Il la faut atteindre de biais, par voie détournée, par un travail d’approche, patient et souterrain, qui permet, dans le silence intérieur, une fine auscultation de nous-même, tel l’écouteur des tranchées, au fond de la sape, muni de son microphone. Ce n’est d’abord qu’un vaste et confus bouillonnement ; mais peu à peu les échos se distinguent, les résonances se précisent, aussitôt saisies dans de brèves notations. Sur certains points les bouillons sont plus forts et retiennent l’attention ; on sent de la pensée qui s’y dépose ; peu à peu, couche par couche, un îlot se forme, s’accroît, monte et finalement émerge dans la zone balayée par les faisceaux lumineux de la conscience. A peine repérées, ces émergences sont saisies et livrées aux catégories de la pensée et du discours. Les voilà dénommées, étiquetées. Nous voyons apparaître ainsi les modalités diverses de notre âme profonde, sous figures et noms distincts : âmes paysanne, guerrière, démocratique, religieuse. Il y en a bien d’autres. On n’entreprend pas ici le dénombrement de toutes nos richesses. Ces prolongements extérieurs de notre moi subconscient ne se différencient que dans le bain de lumière qui les enveloppe, et par l’objet auquel chacun d’eux s’applique ; immédiatement, au-dessous, ils se rejoignent et se confondent. Or, ce fond commun a pour triple caractère d’être héréditaire, traditionaliste et mystique, marquant des mêmes traits toutes les formes de la pensée qui en sortent, l’âme démocratique comme les autres. Elle est psychologiquement, et tout à fait, de cette compagnie.

Pourquoi ce triple caractère dans les dépôts importants que garde la subconscience ? Parce qu’elle est le domaine réservé de l’instinct de vie. Par lui tout s’explique et ne le pourrait autrement. Il veut assurer à tout prix le succès de son entreprise, qui est la vie, aussi bien morale que physique, et ne néglige aucune précaution. Il apprécie le jeu brillant de l’intelligence et largement l’utilise, mais il en connaît les hardiesses et les imprudences : il se tient donc prêt à nous tirer d’affaire, si par elle « nous tombons en panne » et restons en détresse. Il veut des moyens sûrs et les prend. Il veut des forces d’action et sait où les trouver. Il dédaigne le pur phénomène intellectuel, incapable de mouvoir un grain de poussière et va droit à