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Elle leur fait appel pour l’aider à atteindre la solution d’où découleront tous les autres résultats : la barrière posée pour jamais aux empiétements des insatiables ambitions germaniques, l’avènement d’une Société des Nations entre nations libres et maîtresses de leur sort.


Six mots résument les conditions de paix acceptables par l’Entente : « Il faut détruire le militarisme prussien. »

Que ce soit jusqu’à la fin de la guerre notre unique pensée, notre immuable mot d’ordre ! Rendre l’Alsace-Lorraine à la France ; réunir à l’Italie les terres irredente, à la Roumanie ses fils gémissant sous la domination hongroise ; appeler à l’indépendance les Tchèques, les Tchéco-Slovaques ; restaurer, avec les réparations qui lui sont dues, la glorieuse et infortunée Belgique ; relever la Serbie ; reconstituer la Pologne écartelée entre la Russie, l’Autriche et la Prusse, qu’est-ce donc sinon détruire le militarisme prussien ?

Ce n’est un paradoxe qu’en apparence de dire qu’il ne dépend plus de nous d’être vaincus.

Le Nouveau Monde n’est pas entré en scène, il ne franchit pas l’Atlantique, il n’accomplit pas les miracles quotidiens dont nous sommes les témoins émerveillés et reconnaissants, pour se contenter d’une paix bâtarde et trompeuse, grosse de tous les périls. Les Etats-Unis, et nous avec eux, nous ne nous arrêterons que le but atteint : le militarisme prussien détruit.

Si la partie est virtuellement gagnée, nos erreurs, nos fautes peuvent en retarder l’issue, prolonger les souffrances, augmenter les deuils. Quel moyen d’éviter, autant que possible, les fautes et les erreurs ? Un seul : tout oublier, tout écarter qui n’est pas le gain de la guerre.

Demain nous reviendrons, si nous en avons par malheur gardé le goût, aux mœurs et aux discussions d’antan. Aujourd’hui et jusqu’à la fin de la guerre, que rien n’existe pour nous que la victoire à remporter.

« Il faut détruire le militarisme prussien. »


A. MlLLERAND.