italien qui usa de ce mode de transport ; « parmi les cris des enfants et des femmes et le désordre de tous ces gens qui se disputaient un peu d’espace, je croyais passer le Styx sur la funeste barque de Caron… Assis avec mes compagnons sur des ballots de marchandises… j’eus grand’peine à terminer mon bréviaire[1]. » Et il tient son « journal de bord ; » après trois heures de navigation et quatre lieues de parcours, escale à Châtillon pour dîner ; dans l’après-midi, trois lieues sans plus : on soupe et on couche au Coudray. Quoique les bateliers exigent des passagers qu’ils se lèvent à minuit, c’est le lendemain seulement que le coche croise devant Melun et, le jour suivant, on découvre Montereau… À chaque pose on descend à terre ; on boit, on mange, on festoie ; dans les bousculades du rembarquement, des femmes tombent à l’eau, — grande diversion ! — les mariniers les repêchent à l’aide de solides crocs de fer. Le dimanche, tout l’équipage et tous les passagers descendent à terre et se mettent en quête d’une messe à entendre. Voilà comment, après une traversée de cinq jours, si le vent est bon et le flot, propice, on atteint Joigny, distant de Paris de trente-cinq lieues.
De Chalon en Avignon les coches se livrent au courant et leur marche est un peu plus rapide : ils sont, d’ailleurs, plus confortables : Mme Cradock qui, en novembre 1784, se rendit par ce moyen en Provence, parle du « joli bateau à voiles » où elle prit passage : « il y avait, à peu près, trente passagers et les cabines, nouvellement tendues de soie, ressemblaient à de petits salons. » La « diligence d’eau » qui fait le service du Rhône est beaucoup plus vaste et moins élégante : « les cabines sentent mauvais, elles sont sales, petites, sombres, les passagers trop nombreux. » On embarque humains, bagages, volailles, marchandises, bestiaux, chaises de poste, pêle-mêle ; les gens fortunés qui voyagent en berline, peuvent, une fois à bord, s’isoler dans leur voiture et y passer la nuit. Plusieurs fois par jour l’embarcation s’échoue sur un banc de sable : en voilà pour des heures : il faut que les bateliers gagnent le rivage, aillent requérir dans des villages souvent éloignés du fleuve, toute une cavalerie : trente chevaux sont nécessaires pour désensabler la pesante machine qui, à peine à la dérive, va heurter quelque
- ↑ Voyage en France de Sébastien Locatelli, 1664-1665, traduit et publié par A. Vautier, 1905.