mots, sa conversation est « sautillante. » « C’est un des esprits les plus pervers et les plus ambigus de ce temps, » a dit Dubois[1], qui le connut, je crois, mieux que personne…
Tout de suite Musset l’avait surnommé Mme Pernelle, à cause de son « furetage tracassier, » et aussi Sainte-Bévue[2]. Musset ne l’aimait pas. De beaucoup de femmes il fut le confesseur, en matière d’amour : il conseillait, il consolait aussi… Après sa rupture avec Alfred de Musset, alors que George Sand, de retour à Paris, souffrait encore, pleurait son poète, et ne se décidait à rien, elle se confiait à Sainte-Beuve, elle lui demandait : « Qu’est-ce donc que l’amour ? » et il répondait « Des larmes ! » Mais elle aimait à pleurer !
Joseph Delorme, dilettante, goûtait les confessions, les intrigues, les correspondances subtiles, il aimait les femmes, leur charmante admiration flatteuse, et leurs confidences, qu’il écoutait d’un air paterne en caressant leurs mains, et ne pourrait-on dire de lui ce qu’il a dit lui-même de Balzac : « Il sait beaucoup de choses des femmes, leurs secrets sensibles ou sensuels, il s’est introduit auprès du sexe sur le pied d’un confident consolateur ? » Mais c’est maintenant le Sainte-Beuve jeune qu’il faut évoquer ici, le Sainte-Beuve d’Adèle ; et à cette heure il n’est pas laid. Une lithographie du temps nous le montre de profil, mélancolique, le nez trop long, mais le front intelligent, réfléchi, presque soucieux, déjà creusé d’un pli ; le bas du visage s’enfonce dans une haute cravate : c’est le Sainte-Beuve des Consolations, Joseph Delorme, l’Amaury de Volupté.
C’est lui que Juste Olivier voit derrière son carreau, quand tout de go il se présente à lui en 1830. Sa mère, sur la demande du visiteur, l’appelle : « Sainte-Beuve, es-tu là ? » et l’on voit un jeune homme derrière une petite croisée ; puis voilà Sainte-Beuve dans sa chambrette, abrité par un paravent, et, dans cet étroit enclos, des tables chargées de livres et de journaux ; — dans cet enclos, qu’il soit situé rue Notre-Dame-des-Champs, passage du Commerce, à Lausanne, à Liège, ou encore rue du Montparnasse, Sainte-Beuve passa sa vie : des livres, des journaux, un paravent pour limiter le champ de ses rêves. … De ses rêves, mais non de ses idées, qui dans sa petite