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peu ; mais, au fond, cette bouderie n’était que pour la forme et je tenais seulement à paraître un peu digne, et à avoir l’air de quelqu’un, tandis que Planche, vers la fin, m’avait un peu troussé sans façon[1]. »

Le voilà réconcilié, cette fois. A Lausanne, il a commencé son cours : « Tristesse à part, je suis content » (car il ne faut pas oublier qu’il allait à Lausanne pour effacer de trop charmants souvenirs.) Et il écrit à F. Buloz :

« Je suis très absorbé par mon cours, trois fois par semaine j’improvise ou à peu près ; moyennant force notes. Cela ne va pas très mal. S’il ne vous contrarie pas trop d’insérer mon discours d’ouverture plein de Messieurs, plein de compliments au début, pour le Conseil d’État, le recteur, l’Académie, elc, toutes choses dont je ne peux retrancher un iota, si vous vouliez insérer un tel discours, d’ailleurs substantiel, et je crois important au fond, je vous l’enverrais[2]. »

Bien entendu, F. Buloz accepte, et Sainte-Beuve envoie la leçon d’ouverture qui doit paraître le 15 décembre. Le 23 novembre, il écrit à nouveau : « Je vous envoie l’article à une seule condition, c’est qu’il ne passera pas le 1er. C’est impossible que je reçoive d’ici là les épreuves, et il est de toute nécessité que je les voie. Faites-le composer avec soin et relire, et puis adressez-moi le par la poste. Je garderai l’épreuve aussi peu de temps que je pourrai ; pourtant je suis si entièrement occupé qu’il vous faudra peut-être attendre quelques jours… Je vais d’ailleurs assez bien ; j’en suis à ma 9e leçon, il y a grande foule, et je ne m’en tire pas trop mal. Il y a ici comme partout des critiques et quelques méchants, mais beaucoup de bienveillance et d’honnêtes gens. Je suis, en somme, content du parti que j’ai pris, mais sans rien de décidé pour l’avenir… »

A propos de « l’avenir » cette phrase sur Molé, qui était à cette heure « très bien disposé » pour Sainte-Beuve : « Je vous remercie de ce que vous me dites de M. Molé : mais tout cela est devenu impossible, et je ne vois réellement rien qui me convienne, et à quoi je convienne. Je ne vois aucun jour à vous envoyer de longtemps La Fayette[3], étant à la lettre absorbé

  1. Lettre du 29 décembre 1837. Correspondance.
  2. Inédite.
  3. Toujours l’article sur les Mémoires de La Fayette qui ne parut dans la Revue que le 15 juillet 1838.