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pour une industrie qui comportait 16000 entreprises, 2 000 peigneuses, plus de 5 millions de broches, 600 000 métiers et qui occupait 230 000 personnes sans compter toutes les industries greffées sur la laine : teinturerie, feutres, passementerie, bonneterie, vêtements, tapis, ameublement, etc.

On peut, d’ailleurs, se rendre compte du résultat à espérer en voyant ce qui se produit actuellement depuis que les produits de pillage sont épuisés : l’industrie lainière allemande ne vit plus que par la fabrication des tissus pour l’armée, à laquelle on réserve les matières premières disponibles.

Les efforts tentés en ce moment pour remédier à la disette de laines importées donnent également une idée de ce que pourrait faire l’Allemagne pour soutenir cette lutte. Le premier palliatif serait de développer l’élevage des moutons sur son sol ou dans les pays qui dépendent d’elle. L’Allemagne, qui avait possédé, en 1892, jusqu’à 13,5 millions de bêtes ovines, n’en avait plus que 5,5 avant la guerre et, à la fin de 1916, elle était tombée à moins de 5 millions. On a nettement orienté l’élevage dans ce sens, de manière qu’en dix-huit mois on a gagné près de 1.200 000 bêtes. Si l’on se rappelle que la production allemande atteignait seulement 12 000 tonnes pour une consommation de 200 000, on voit que cette extension de l’élevage national sera un bien médiocre remède. La Bulgarie et la Turquie pourraient fournir un appoint ; mais la Bulgarie ne suffisait pas encore à sa propre consommation et la Turquie produit des laines médiocres, qui lui seront nécessaires à elle-même si elle ne peut plus importer des tissus et des vêtements. Quant aux colonies allemandes, elles peuvent fournir du kapok, mais semblent mal placées pour la laine. Une ressource beaucoup plus sérieuse pourrait être fournie par l’Argentine et le Chili, dont on sera amené à se disputer les produits entre les deux camps. Avec l’Uruguay qui a maintenant rompu, ces pays vendaient, en 1913, pour 150 millions de laine à l’Allemagne et pourraient monter à 200 millions. Il y a lieu également de prévoir des protestations des Australiens, auxquels l’interdiction de vendre à l’Allemagne enlèverait un débouché de 80000 tonnes.

Ici, comme pour le coton, nous retrouvons la politique allemande des stocks accumulés. Notamment à la Plata, les Allemands ont accaparé une grande partie des laines des récoltes 1914 à 1916 représentant plus de 250 millions de francs.