imprimait une ode sur le 18 brumaire, à la fin de laquelle les « derniers Romains » sont invités à poignarder Bonaparte. Et le voilà, ce journalisme en fleur, dont Bonaparte n’a pas craint de priver la France. Les Français d’alors s’en consolèrent plus, facilement qu’aujourd’hui M. Périvier. Leur avis n’est pas du tout négligeable, si l’on y songe.
D’ailleurs, M. Périvier ne le nie pas ; car il écrit : « La liberté absolue de la presse était incompatible avec le programme de pacification et de réparation que s’était donné Bonaparte. » Alors, que reprochez-vous à Bonaparte ? M. Périvier le blâme de n’avoir pas « desserré progressivement Pétau, à mesure qu’il rétablissait l’ordre et qu’il affermissait son gouvernement. Une critique, même modérée, lui eût peut-être épargné bien des fautes, bien des folies et bien des désastres. » Peut-être ! Mais, lui, ne le croyait pas. Et, dans la peinture qu’a faite M. Périvier des journalistes de l’époque, on ne voit pas l’homme qui aurait été l’utile conseiller de Bonaparte. Mais on y voit les hommes qui auraient envenimé les querelles dont la France, avait à se guérir, troublé l’opinion publique et parfois aventuré le succès des opérations militaires.
Bonaparte écrit à Fouché : « Je voudrais que les rédacteurs des journaux conservés fussent des hommes attachés. » Et M. Périvier : C’est le mot juste : la chaîne au cou ! » Bien riposté. Mais, sans plaisanterie, ce que souhaitait Bonaparte, c’était des journalistes attachés aux mêmes idées que lui, l’aidant et, avec lui, travaillant à calmer l’opinion publique, à la diriger dans le sens ou il la dirigeait lui-même : son œuvre n’était pas méprisable. Et, ce qu’il rencontrait en fait de journalistes, ce furent des ennemis, sournois ou déclarés, et des maladroits.
Il n’eut pas moins de mal avec les maladroits qu’avec les perfides. Les maladroits l’adulaient sottement. Et il fit insérer dans les journaux cet avis : « On prétend que Bonaparte refusera sa porte à quiconque se permettrait contre lui des éloges emphatiques ou ridicules. » La censure de Bonaparte fut très vigilante et ne le fut pas autant que Bonaparte le désirait. Le 2 octobre 1801, la Gazette de France rapporte qu’un malheureux portier, las de la vie, s’est tué d’un coup de pistolet, non sans avoir ôté ses bottes, afin d’épargner à ses enfants la peine de le déchausser : la Gazette de France eut à se repentir d’avoir publié « des plaisanteries atroces sur la mort d’un portier. » Le 13 février 1802, la Vedette de Rouen raille le président de l’Institut qui, haranguant le Premier Consul, s’est « inspiré du vingt et unième