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prisonniers de guerre, il « emprunte » les ouvriers des chantiers privés. De telles méthodes se justifient en guerre, alors que, nécessairement, les besoins de l’armée, les conditions de la défense passent avant tout : quand tout manque à la fois, le charbon, les bateaux, les wagons, le change sur l’étranger ; quand les frontières sont fermées dans tous les sens ; quand chacun est résigné d’avance à tous les sacrifices, à toutes les soumissions pour obtenir la victoire. Dans la première période de reconstitution et de démobilisation, qui ne peut manquer de ressembler beaucoup à la guerre, le procédé est également susceptible de rendre des services ; mais à la condition qu’on nous ramène le plus vite possible à un état normal, comme un homme dont on a enfermé la jambe cassée dans le plâtre et qui aspire à sortir de sa gouttière.

Laissons donc de côté les solutions politiques pour aborder les solutions commerciales ; car il ne faut pas que la crainte de l’Etat envahisseur et du fonctionnarisme microbien nous fasse négliger la nécessité impérieuse de l’association industrielle, mais d’une association librement consentie et fondée sur des intérêts communs.

Cette association, c’est la forme moderne de l’industrie, qui, par les facilités de transport plus grandes, par l’unification des continents, en un mot par tous les développements de la civilisation dont la guerre est la négation, tend à la centralisation spécialisée des productions aux points les plus favorables. La nécessité de fabriquer beaucoup et, par conséquent, d’étendre son rayon de vente, pour vendre à bon marché, amène à la constitution de sociétés anonymes puissantes, qui sont la réalisation pratique du collectivisme. Et ces sociétés ont intérêt à coordonner leurs efforts dans l’intérieur d’un même pays pour devenir plus puissantes encore. Ainsi, on aboutit à former, sans aucune intervention de l’État, sous un nom quelconque, des syndicats dans lesquels, pratiquement, tous les intéressés sont conduits à entrer, mais qui n’en gardent pas moins les avantages de la liberté par le fait seul que, le jour où un adhérent croit y trouver des inconvénients supérieurs aux bénéfices, il reste, à l’expiration de son contrat, libre d’en sortir.

Nous venons d’énoncer là un premier type d’association, sur lequel nous allons insister de préférence : l’ « association dans