Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/799

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

baïonnette ; il y eut surtout un actif bombardement par les pièces des trains blindés. Les obus tombèrent un peu partout, mais s’acharnèrent particulièrement sur les maisons habitées par les membres de la Rada, L’accès des rues était impossible car, à chaque angle, il y avait une mitrailleuse tirant sans pitié sur quiconque se présentait, ami ou ennemi.

Malgré une défense sérieuse, la ville tomba entre les mains des bolcheviks qui avaient la supériorité du nombre et de l’armement. Il se produisit alors des scènes de carnage abominables. Un « tribunal » siégea en permanence dans un des palais de la ville : c’est là qu’étaient amenés tous les officiers et tous les suspects, c’est-à-dire quiconque était supposé hostile au bolchevisme. On les rangeait à droite ou à gauche de la salle. A ceux qui étaient à droite on remettait une sorte de laisser-passer : c’étaient les élus. Quant à ceux de gauche, ou attendait qu’ils fussent une trentaine, puis on les emmenait dans un jardin sis non loin du Dnieper, où quelques jours auparavant se pressaient encore tous les élégants de la ville. Arrivés là, on les faisait déshabiller, — n’oublions pas qu’une crise des étoiles sévissait en Russie, — on les groupait au petit bonheur, et les soldats tiraient dans le tas. Quand le tribunal leur envoyait trop de monde, c’est à coups de mitrailleuses qu’ils accomplissaient leur macabre besogne. Des paquets de condamnés attendaient leur tour, ou attendaient simplement que les bourreaux eussent fini de fouiller leurs victimes ou de leur enlever leurs bottes.

D’autres bandes étaient chargées de perquisitionner et d’arrêter les « bourgeois ; » souvent lorsqu’elles opéraient trop loin du tribunal, elles s’arrêtaient à mi-chemin et fusillaient leurs victimes dans la rue, trouvant inutile de se donner la fatigue d’un si long parcours… Et ce fut ainsi pendant plusieurs jours.

Lorsque le calme commença à renaître, Mouraview, satisfait, décida de prononcer un discours du balcon de la mairie. Il annonça que, justice étant faite, une ère de paix et de prospérité allait maintenant descendre sur les habitants de Kiew, enfin débarrassée de ses oppresseurs !

Pendant ce temps, le petit détachement de notre aviation laissé à Kiew devait rester caché, car, dès les premiers jours, notre dépôt de matériel et surtout nos automobiles avaient été