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l’hôtel de Rambouillet, le commencement de la fin. Si les réunions ne cessent pas tout à fait, du moins sont-elles plus rares et moins brillantes. Et, en 1645, Mlle de La Vergne a onze ans. Voiture mourut en 1648 ; et l’hôtel du Rambouillet sans Voiture, ce n’est plus rien : Mlle de La Vergne a quatorze ans. Vint la Fronde : et la société parisienne fut divisée, fut dispersée. Le 26 février 1652, le marquis de Rambouillet trépasse ; et il n’était pas le personnage important de la maison ; mais enfin son trépas achève la vie mondaine de sa femme.

Mlle de La Vergne ne fut pas de l’hôtel de Rambouillet. Et elle n’est pas une précieuse, dans ses lettres à Ménage, si naturelles, si négligées, si aimables de naturel et même de négligence. Une fois que M. Ménage lui annonce le projet de remonter sur le Parnasse, l’occasion se présente, si elle est précieuse, de le montrer. Voici comme elle répond au poète : « Je suis bien aise que vous remontiez sur le Parnasse… » Elle ne lui fait pas un compliment très mirifique : « Il y a si peu de presse, et les muses ont si peu de gens à qui donner leurs grâces que je crois qu’elles augmenteront celles qu’elles ont accoutumé de vous faire… » Et, si la phrase est un peu plus soignée, un peu plus enjolivée que d’habitude, elle s’en amuse la première : « Voilà de si grands mots, au commencement de ma lettre, que j’ai envie de ne la pas faire plus longue ; car, quand on a parlé des muses et du Parnasse, l’on ne peut pas se rabaissera parler d’autre chose. Je m’en vais pourtant tomber de bien haut en vous disant… » Et elle passe à une baliverne. C’est aussi dans cette lettre qu’elle s’accuse d’oublier à parler français et prie Ménage de lui dire si elle fait beaucoup de fautes en écrivant.

M. Ménage est en effet monté sur le Parnasse. Il compose des élégies, des églogues, des épigrammes et des madrigaux, en français, en italien, en latin : prochainement, il s’établira poète grec. Beaucoup de ses poèmes français sont dédiés A Mlle de La Vergne ; beaucoup de ses poèmes italiens, Per Madamigella della Vergna ; beaucoup de ses poèmes latins, Ad Mariam Magdalenam Ldvernam. Mais il n’est pas facile de démêler ceux qui sont précisément de cette époque. Les éditions des Poemata sont toutes postérieures au mariage de sa Dame : la première est de 1656. Et, la plupart des dédicaces, il ne les a mises que dans les éditions suivantes, comme s’il ne