Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 46.djvu/873

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

belle-fille à Ménage. Elle écrit à Ménage deux mois plus tard, et quand les choses ont pris un tour inattendu ; mais, dans cette lettre du 1er octobre, elle note les événements du mois d’août : « Ce serait, dit-elle, avec une grande injustice que M. de Brissac et M. de Sévigné pâtiraient des cabales du cardinal de Retz, s’il en faisait présentement ; car, lorsque ce cardinal leur proposa de l’assister dans sa sortie, ils lui promirent, mais à condition qu’il ne ferait plus rien contre le service du Roi et que, s’il le faisait, ils l’abandonneraient entièrement et ne seraient jamais dans ses intérêts lorsqu’ils seraient contraires à ceux de l’Etat. » Elle insiste : « Ce que je vous dis là est la vérité même. » Quant à Sévigné, ce n’est pas douteux. Depuis que Retz a onné sa démission d’archevêque, Sévigné ne l’admire plus et n’attend plus qu’il sauve le royaume. Dans les causeries de sa captivité, au château de Nantes, Retz a fourni ses excuses : mais un chef qui en est à s’excuser n’est plus un chef. Et, dans ces mêmes causeries du château de Nantes, Retz ne s’est-il pas révélé pour ce qu’il est réellement, avec ses velléités, ses incertitudes, ses folies ? Son ami désenchanté, l’ami de ce turbulent qu’il avait pris pour un sage, ne l’abandonnera pas ; il le sauvera. Mais il pose ses conditions : en le sauvant, il entend ne point aventurer l’Etat. Retz a promis de ne rien faire contre le service du Roi. Retz, à tout hasard, promet toujours. S’il oublie sa promesse, du moins Sévigné marque-t-il les bornes de son dévouement. Mlle de La Vergue est contente de le dire. Elle n’a jamais été frondeuse. Elle a suivi, sans crainte et sans arrière-pensée, sa mère et son beau-père dans la retraite où les reléguait la politique imprudente de Sévigné. Mais, si la destinée la fait pâlir avec les imprudents, elle a gardé l’usage de considérer le service du Roi comme la règle du devoir.

Les promesses que Sévigné avait obtenues de Retz, tout cela s’évanouit. Cependant, Mme de Sévigné, dans sa lettre du 26 août, dit à Madame Royale : « Le Cardinal a mandé à quelqu’un de ses amis de parler au Premier président afin qu’il assurât Leurs Majestés qu’il était prêt d’aller où il leur plairait ordonner, pourvu qu’elles agréassent qu’il conservât son archevêché, et qu’il ne ferait jamais rien contre leur service… » On reconnaît ici la pensée et les mots de Mlle de La Vergne. L’offre que l’évadé soumet à Leurs Majestés contient les termes de la promesse que Sévigné avait obtenue du prisonnier.