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personnes » qui soient au monde. Il lui annonce, comme la récompense d’une âme judicieuse, « des plaisirs tranquilles et des contentements tout purs, qui ne coûteront que ce qu’ils valent et qui n’auront point de fâcheuses suites. » Ce n’est pas un délire de joie communicative ; il y a là de quoi navrer toute confiance un peu crédule ! M. Costar promet aussi à la jeune mariée le meilleur résultat d’une sagesse avertie : elle détournera « une partie des accidents, » afflictions et disgrâces les plus difficiles à éviter ; « vous en corrigerez l’amertume et le mauvais goût, vous les prendrez par le bon côté et par l’endroit qui blesse et qui offense le moins. » Il l’engage encore à ne pas négliger la consolation religieuse… Et il conclut : « Ce sont là, madame, les pensées les plus agréables dont je m’entretienne… » Et ce n’est pas gai.

Mais aussi, le mariage de Mlle de La Vergne, sans être véritablement triste, n’est pas gai non plus. On a l’impression que Mme de Sévigné se débarrasse de sa fille et que Mlle de La Vergne se délivre de sa mère et de son beau-père. Elle n’a pas beaucoup d’élan ; elle n’a guère d’illusions et de naïveté : elle n’aura guère de déceptions. Je crois qu’elle entre dans sa vie de femme sans compter sur de grandes aubaines. Elle a vu, très jeune, le train de la vie ; elle a vu, de la vie, plus que n’en voient d’autres jeunes filles. Elle dira, plus tard : « C’est assez que de vivre ! » Elle n’en est pas à le dire. Peut-être commence-t-elle, tout bas et discrètement, selon sa manière, à le penser.


ANDRE BEAUNIER.