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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Jusqu’aux environs du 28 juillet, la bataille de France (aux heures enchantées de la Friedenssturm, on disait même en Allemagne : la bataille d’Occident) s’est développée selon le rythme et par les mouvements prévus. De progrès en progrès, la poche où se débattaient, comme chats enragés dans un sac, les années du Kronprinz impérial, a été réduite de plus de moitié. Tantôt c’était d’une épaule, tantôt de l’autre, et puis de la poitrine que nous poussions ; tantôt c’était notre gauche, tantôt notre droite, et puis notre centre, qui repoussaient l’ennemi ; Mangin, puis Dégoutte, puis Berthelot et Mitry, sous la pression de qui la poche se rétrécissait. Elle se faisait d’autant plus étroite que, plus il perdait de terrain, plus Ludendorff, qui avait mis au jeu, outre tout le reste, sa réputation et sa situation, s’acharnait à y jeter divisions sur divisions, au nombre, a-t-on dit, de soixante-treize, Bavarois et Saxons, frères sinon ennemis, du moins jaloux, les réserves du prince héritier Ruprecht par-dessus celles du prince héritier Frédéric-Guillaume, la garde même ou son Ersatz, ce qui en tient lieu au bout de quatre années terribles, et la parfaite mécanique des Prussiens, et le dur noyau des Brandebourgeois, les meilleures troupes de tout l’Empire. Si l’on s’est attaché, dans la joie d’un succès qui est allé sans cesse grandissant, à marquer sur une carte notre avance quasi quotidienne depuis le 18, on a tout à fait l’image d’une toile que nous aurions rognée de trois côtés; mais il ne suffit pas de tailler, il faut coudre; de là, chaque troisième ou quatrième jour, un arrêt. On pouvait croire alors la bataille stabilisée : soudain elle rebondissait.

Après avoir repassé la Marne et opéré un repli que le Quartier-Maître général, afin de rassurer l’opinion inquiète, s’est ingénié de toute sa malice à présenter comme « volontaire, » l’Allemand a