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mis une note au paragraphe de votre lettre qui concerne Sainte-Beuve[1]. Si j’avais lu votre lettre, lorsque je vous ai envoyé l’épreuve, je vous aurais prié d’ôter ce paragraphe qui n’était pas nécessaire à votre raisonnement.

« Vous ne sauriez me conseiller l’ingratitude envers un homme que j’ai toujours trouvé, depuis 1831, dans les cas difficiles, auquel je dois beaucoup, qui est un ami sincère, et le procédé eût été mauvais de ma part, si j’avais accepté le reproche que vous lui faites, et qu’à mon avis, il ne mérite pas. Vous avez bien le droit de dire votre opinion ; mais lorsqu’il s’agit des nôtres, je dois vous renvoyer toute responsabilité, si cette opinion leur est défavorable. Vous devez comprendre cela mieux que personne, et la Revue ne serait pas possible autrement.

« Jamais vous ne serez chicané dans l’expression de vos opinions politiques ou littéraires ; mais lorsque mes amis sont en jeu, je ne puis procéder autrement ; vous me mettez en demeure de leur donner une marque de sympathie.

« Je désire maintenant que Lerminier ne réponde pas[2], bien que dans le dernier paragraphe, vous le provoquiez à s’expliquer sur la philosophie moderne. En tout cas, s’il le faisait, je ne consentirais pas à ce qu’il s’écartât des convenances ; je crois d’ailleurs qu’il en est incapable, et vous lui avez donné l’exemple d’un ton excellent.

« Mais vous avez été fort dur pour mon ancien ami, et vous auriez pu le combattre, sans le blesser ainsi[3]. »

Voici la réponse de George Sand :


« Mon cher Buloz,

« Je trouve fort bien que vous témoigniez en note votre sympathie à Sainte-Beuve, je ne suis pas jalouse, et pourvu que vous insériez mes articles tels que je vous les livre, il m’importe

  1. Voici cette note : « Nous regrettons vivement que l’auteur de cette lettre, entraîné sans doute par ses sympathies politiques, ait méconnu l’une des qualités distinctives de M. Sainte-Beuve. L’écrivain sincère et loyal qui a rendu compte du livre de M. de Lamennais sur les Affaires de Rome dans cette Revue, a toujours pris au sérieux les questions et les hommes dont il a parlé : il n’a jamais mérité le reproche de frivolité. Mais notre respect pour la libre expression de toutes les pensées de quelque importance, ne nous permettait pas de modifier une opinion que nous sommes loin de partager. » (N. du D.)
  2. Lerminier répondit dans la Revue du 15 février 1838.
  3. Collection S. de Lovenjoul, inédite.