Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 47.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Leur avenir surhumain est devenu essentiel à ces âmes, trop neuves pour le doute : leur ambition de posséder les savoirs de la vie présente s’ajoute comme un complément à leur certitude de connaître le secret de l’existence future. Ils ne veulent, par leur curiosité du temps qui passe, ni oublier, ni contredire leur vocation immortelle, mais parachever les connaissances supplétoires de sorte que chacune prenne sa place de suffragante dans une vérité où les lueurs de la raison humaine se subordonnent toujours à la lumière de la raison divine. Comme l’Église était à ce moment la dispensatrice de l’une et l’autre science, elle se trouva libre de maintenir entre elles cette hiérarchie et par cette discipline la paix.

La communauté de croyances ne supprimait pas la différence de races. En chacune de celles-ci veillait un instinct de conservation et d’accroissement. Le même qui avait d’abord poussé à la conquête sur l’étranger, puis à la garde de frontières infranchissables aux voisins, puis au choix d’institutions favorables aux énergies, voulut, quand il pressentit la puissance du savoir, cette autre épée. Les écoles de monastères et de cathédrales, où les curieux d’études, clercs pour la plupart, étaient au large, ne suffirent plus aux ambitions impatientes d’ouvrir l’enseignement à la nation et par l’enseignement de grandir la nation. L’Eglise, gardienne de l’unité, comprit la légitimité et le risque de ce désir. Par cela même que les races sont diverses, elles ont un génie différent, elles le porteront dans leurs études comme dans leurs œuvres, elles ne verront pas des mêmes yeux les mêmes choses, elles auront une partialité native qui, dans le droit, l’histoire, la morale, risque de les rendre trop indulgentes pour elles-mêmes et trop rigoureuses pour les autres ; leur art même sera l’interprète de leur nature et contribuera à en accentuer les traits, et la rivalité de leurs études avec les études étrangères suffira à éveiller la jalousie et l’orgueil. D’où le danger que l’esprit de division né avec la barbarie ne s’accrût par la science. Ce danger, le christianisme voulut le prévenir par l’organisation de l’enseignement.

C’est au XIIIe siècle que les nations, prenant conscience de leur autonomie, demandent l’autonomie du savoir au Pape gardien de l’unité doctrinale. Le Saint-Siège accède largement à la nouveauté : Paris en 1200, Padoue en 1228, Toulouse en 1233, Montpellier en 1289, Cambridge en 1257, Oxford en 1288,