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que la société à se garder contre les attentats de ses ennemis.

Après les guerres napoléoniennes, une Sainte-Alliance de souverains a régenté l’Europe, encore frémissante du souffle de la Révolution française. Après la conjuration austro-allemande, qui a exterminé follement la première génération de ce siècle, une ligue des États démocratiques permettrait à la pauvre espèce humaine de se reconstituer en toute sûreté. L’histoire nous offre de ces contrastes, dominés par des lois fatales d’action et de réaction.

A l’ombre de leurs grandes sœurs libérales, les petites nations pourraient poursuivre leur existence indépendante, développer leur culture nationale, donner un libre essor à leur génie individuel, sans craindre que cette riche floraison ne soit fauchée tôt ou tard par l’épée impitoyable du germanisme.

Je n’ai pas la prétention de deviner ce qu’elles feraient, en se trouvant serrées entre les deux groupements adverses. Aucune d’elles autrefois, — à part la Roumanie, qui n’a pas eu à s’en féliciter, — n’a signé avec une grande puissance d’alliance politique, ni même d’union douanière. Elles appréhendaient toute liaison dangereuse, qui les eût entraînées dans le courant des complications européennes. L’emploi de satellite est sans attrait, mais non pas sans danger. Cependant au sortir d’une aventure tragique, où plusieurs ont failli périr, le souci de leur conservation, le besoin de contracter une assurance pour leur vie, les empêcheraient peut-être de rester isolées. Ce n’est qu’auprès d’une ligue des démocraties qu’elles trouveraient les garanties que réclame leur sécurité. Elles n’auraient à redouter d’aucune de ces Puissances, — comme veut le leur faire croire l’Allemagne, qui prête effrontément ses intentions aux autres, — une inféodation à sa politique ou une mainmise sur leur commerce et sur leur industrie.


VI

Sans viser à sonder l’avenir, on ne peut se défendre d’y songer, ne serait-ce que pour se consoler du présent. On tâche à s’imaginer quel sera l’aspect de l’Europe, saccagée, comme au temps de la civilisation romaine, par l’invasion germanique, lorsque les nations ruinées chercheront péniblement à refaire leur patrimoine.