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jusqu’à 30, 100 et 150 p. 100 pour les marchandises dont chaque pays prétendait avoir le monopole : en Espagne, c’étaient l’huile d’olive, la cochenille « indispensable pour les teintures cramoisies », le petun (ainsi nommait-on le tabac au XVIIe siècle) de Varinas (Pérou), « le meilleur de tous, dont les nations du Nord ne se peuvent passer » ; en Portugal, le sel estimé plus Tort que le nôtre ; en Angleterre, l’étain, le charbon de terre et la draperie.

Avec cette distinction que l’impôt anglais variait du simple au double selon que les draps étaient embarqués sur un vaisseau indigène ou étranger. Les premiers en Europe, nos voisins de Grande-Bretagne avaient mis en pratique des théories commerciales que notre compatriote Bodin, dès le XVIe siècle, développait dans sa République, mais que nous n’appliquions pas. Bien que nous eussions avec les Anglais, depuis Henri IV, un traité garantissant « liberté et égalité du commerce le plus que faire se pourrait, » ils faisaient bénéficier leurs nationaux de tarifs différentiels qui, pour les vins, allaient jusqu’à la confiscation de ceux qui étaient apportés dans des navires français.

Par contre, en temps de guerre avec le Royaume-Uni, ’ses marchandises entraient dans nos ports sous le nom d’armateurs français « moyennant quelques présents aux gouverneurs et officiers de la marine. » Au XVIIIe siècle, l’exportation des laines brutes et l’importation des tissus fabriqués continuaient d’être interdites en Angleterre, qui « faisait, dit Savary, de grands profits sur nous et ne voulait pas que nous en fassions aucun avec elle. » La visite de la douane britannique, « minutieuse, vexante, indiscrète et même impertinente, » dit un voyageur sous Louis XV, était cependant égale pour tous. Le duc de Bedford, ambassadeur d’Angleterre en France, retournant dans son pays, y était lui-même soumis.

Les grands seigneurs anglais avaient tous, de temps immémorial, « intérêt au négoce, » tandis qu’en France on insinuait timidement « qu’il ne peut être déshonorable aux gentilshommes et autres personnes de qualité dans la robe de faire des sociétés en commandite, parce qu’ainsi ils ne font point le commerce et donnent seulement leur argent à intérêt… » Bien que ce goût de l’aristocratie britannique pour les affaires ait contribué à l’avance prise de bonne heure par son pays, sur ce