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Dans une échauffourée qui aurait pu devenir une véritable émeute, le baron de Dietrich sut apaiser cependant les discordes de deux régiments et mériter ainsi d’être approuvé et loué par le prince Victor de Broglie qui l’avait vu bravement à l’œuvre.

Il faut bien reconnaître que la situation de Dietrich était fort délicate en ce moment où, par une certaine sorte de fièvre inexplicable, l’Assemblée Constituante avait déchaîné la guerre religieuse. Les catholiques, nombreux à Strasbourg, ne voyaient pas, sans quelque inquiétude, installé à la mairie un protestant chargé de sévir contre les ecclésiastiques insermentés, au moment où, sur les ordres du Pape, l’évêque invitait les curés et les fidèles à refuser d’obéir au décret néfaste du 12 juillet 1790. Des mesures sévères durent être prises, au grand regret du maire lui-même ; mais il s’était cru obligé, en vertu de sa position, d’appliquer strictement la loi et les décrets. Le 23 janvier 1791, la presque totalité du clergé alsacien avait rejeté le serment, et des commissaires de l’Assemblée, Mathieu Dumas, Hérault de Séchelles et Foissey étaient venus à Strasbourg avec mission de soutenir le maire et de révoquer le Directoire du département qui lui avait paru trop faible. Les fautes commises par le gouvernement, au lieu de s’amoindrir, furent aggravées. Dans ce milieu si libéral et si constitutionnel de l’Alsace, on venait de jeter un brandon qui allait allumer le pire des incendies. Quatre cents électeurs choisirent alors pour évêque l’abbé Brendel qui avait prêté le serment civique, et cette élection amena de grands troubles. Il fallut défendre le nouveau prélat contre les colères de la foule. En divers endroits, comme à Obernai, il en fut de même quand on voulut installer des curés constitutionnels. C’est à propos de ces événements qu’il importe d’appeler l’attention des esprits sages sur la nécessité absolue de respecter, en tout lieu et particulièrement chez nous, les traditions, les mœurs et les croyances. Nul pays, plus que la province d’Alsace, n’était aussi attaché à la France et à ses institutions. En aucun lieu, on n’avait par instinct et par goût naturel autant d’amour de la vraie liberté, et voilà que, par un esprit d’innovation aussi impolitique que funeste, quelques sectaires à l’Assemblée Constituante avaient déchaîné un vent de fureur qui devait amener un véritable cataclysme.

En 1914, le généralissime Joffre, puis le président de la République, sont venus dire à Thann, à nos chers compatriotes,