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mesures de salut public nécessaires devant la crainte d’une guerre qui allait éclater. Le zèle notoire de Dietrich en ces circonstances, lui valut l’honneur d’une couronne civique et les sincères félicitations de tous les patriotes. Malheureusement, la Société des Amis de la Constituante dévia alors de son but franchement libéral et versa dans le mouvement révolutionnaire.

De nombreux membres qui n’étaient nullement Alsaciens et dont l’esprit était imbu du, plus violent fanatisme, tels que le prêtre apostat Euloge Schneider, le Savoyard Lyonnet, le Lyonnais Téterel, causèrent au maire les plus graves soucis. Dietrich avait demandé de mettre en état de siège la place de Strasbourg, et ces sectaires l’accusèrent aussitôt de vouloir livrer la liberté civique à la force militaire. Le club patriotique prit le nom de club des Jacobins, obligea le parti modéré à en sortir et dénonça les agissements réactionnaires du maire dans le Courrier du Bas-Rhin, rédigé par Laveau, et dans l’Argus, journal allemand rédigé par Schneider. Une polémique violente s’engagea entre ces journaux et la Gazette, de Strasbourg rédigée par les libéraux Dalzmann et Ulrich. Un acte d’accusation contre Dietrich fut adressé au club central des Jacobins et fut le point de départ de la campagne abominable qui devait aboutir à l’assassinat de cet excellent patriote.

Le 24 décembre 1791, le Roi, cédant aux volontés de l’Assemblée et d’ailleurs à un mouvement presque unanime en France, avait fait savoir à l’Autriche que si les princes allemands n’avaient pas en un mois chassé de leurs États les émigrés réunis en corps, ils seraient considérés comme ennemis de la France. Le 15 avril 1792, la Cour de Vienne avait osé revendiquer les droits des princes allemands en Alsace et, le 20, pour toute réponse, le Roi lui avait déclaré la guerre. La défense du Rhin était confiée au maréchal de Luckner, au prince Victor de Broglie, au duc d’Aiguillon. Un vent d’enthousiasme soufflait sur toute la France et particulièrement en Alsace. Trois nouveaux bataillons de volontaires s’étaient créés à Strasbourg et les deux fils du maire servaient à l’armée. C’est à ce moment que naquit, dans le salon même du baron de Dietrich, Je fameux hymne de guerre dû à l’improvisation et au génie de Rouget de Lisle. L’incident, qui devint un événement, et d’une telle importance qu’il convient de s’y arrêter en lui rendant sa physionomie originale et en précisant les détails