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force suffisante… L’Assemblée a refusé l’impression du message du Roi et elle a applaudi aux horreurs vomies contre lui. Quel siècle ! quelle barbarie ! »

A la veille du 10 août, ému des attaques dirigées contre le Roi des Français, le Conseil municipal de Strasbourg, sous l’impulsion de Dietrich, rédigea deux adresses au Roi et à l’Assemblée législative où ils juraient de rester fidèles à la Constitution et déclaraient que, si elle était violée, ils se croiraient quittes de leurs engagements. C’était désigner fatalement le maire et ses collègues aux fureurs des exaltés. Mais rien n’effrayait Dietrich, qui était avant tout l’homme de la loi et l’homme du devoir. Ayant appris, le 13 août, la révolution du 10 et le sac des Tuileries, la déchéance du Roi et le massacre des Suisses, Dietrich réunit le Conseil municipal, fit doubler les postes de sûreté, interdire les rassemblements, fermer les clubs et déclarer partout que le Conseil et le Directeur resteraient fidèles à la Constitution.

L’archiviste Louis Spach s’est demandé si Dietrich n’avait pas eu l’idée, appuyée par La Fayette, de former un noyau libéral autour duquel se grouperaient les vrais patriotes, amis de l’ordre. Aurait-il eu vraiment l’intention de jouer un rôle politique « pour attirer sur lui les regards de ses contemporains et s’illustrer aux yeux de la postérité ? » Étant donnée la simplicité de son caractère, je ne crois p, as que Dietrich fût allé jusque-là. Il s’est borné à obéir à sa conscience et il a cru que la cause du Droit, soutenue par des hommes comme lui, finirait peut-être par triompher. Il ne soupçonnait pas l’influence énorme de Paris sur les départements et ne se doutait pas que le parti des honnêtes gens fût si lâche, si peu décidé à lutter contre l’anarchie. Les députés de Strasbourg, Koch et Ruhl, qui devaient faire bientôt volte-face, avaient cependant écrit aux conseillers et au maire de défendre la Constitution et de maintenir le département du Bas-Rhin dans l’ordre et la sécurité, en annonçant l’arrivée prochaine des Commissaires législatifs munis de pleins pouvoirs.

Dietrich ne les attendit pas et, le 15 août 1792, l’an quatrième de la Liberté, fit envoyer à ses concitoyens une adresse très noble et très courageuse au nom du Conseil général du Ras Rhin et du Conseil de Strasbourg, au sujet des événements qui bouleversaient la France. Je crois devoir donner en entier