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loi n’amenât la France à subir le plus horrible brigandage et ne la jetât dans un abîme de malheurs. C’était vrai, mais c’était par là même se désigner à la méchanceté toujours en éveil des sectaires. Laveau et Simon, délégués du club des Jacobins, dénoncèrent encore une fois Dietrich et les conseillers comme les ennemis acharnés de la chose publique. A la séance du 18 août, à l’Assemblée législative, où la dénonciation avait été répétée, Ruhl, qui, le premier, avait conseillé à Dietrich de sauver la Constitution et l’Alsace, prit peur et osa dire qu’il ne connaissait pas le maire de Strasbourg. Il estimait toutefois qu’il fallait, dans son propre intérêt, mander Dietrich à la barre afin de lui permettre de s’expliquer et de réfuter les attaques dirigées contre lui. Il ajoutait que beaucoup de ses amis dans l’Assemblée étaient prêts à le défendre. Personne n’osa le faire. On cita Dietrich à comparaître dans les huit jours, et le 19, on prononça la dissolution du Conseil municipal de Strasbourg.

Dietrich fut remplacé par un maire provisoire, le citoyen Lachausse qui, après avoir fait connaître aux conseillers la décision de l’Assemblée, délégua en sa place le citoyen Braun qui n’accepta que conditionnellement. Le procureur de la Commune, Mathieu, eut le courage de féliciter Dietrich de son civisme et de sa droiture et exprima la conviction, aux applaudissements de tous ses collègues, qu’il lui serait facile de se justifier pleinement devant les représentants. Dietrich le remercia avec émotion et, voulant échapper à toute autre démonstration, quitta aussitôt Strasbourg pour se rendre à son château de Reichshoffen, avant de prendre un parti définitif.

Les délégués de l’Assemblée législative devaient arriver à Strasbourg le 19 août. C’étaient Carnot, Coustard, Prieur et Ritter qui firent aussitôt reconnaître par les autorités la puissance dictatoriale de l’Assemblée et du nouveau Pouvoir exécutif. Ils remplacèrent le Conseil départemental par des membres pris dans la société des Jacobins et rouvrirent les clubs. Le Conseil municipal, qui n’avait que peu de jours à vivre, se soumit à leurs volontés et révoqua ses précédentes délibérations. Strasbourg allait tomber ainsi sous le joug des sectaires et des anarchistes, de par la volonté des quatre délégués venus de Paris. Et dès ce moment, on put s’attendre aux pires mesures provoquées par des misérables tels que Euloge Schneider et Monet.