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Ravenne, Padoue, Florence, il visita Fiesole et sa cathédrale. Comme il s’y rendait, un jour d’automne, en suivant la route bordée de haies en fleurs, deux petites mendiantes l’accostèrent et lui offrirent des roses. Le voyageur admira le vieux porche, « première architecture de l’École toscane, » et entra dans l’église ; mais, en s’avançant, il vit qu’un cercueil ouvert était posé devant le maitre-autel. Dans ce cercueil était Libri.

Chasles dit qu’il considéra longtemps ce mort, qu’il avait naguère connu à l’apogée de sa célébrité ; puis il déposa ses fleurs sur le bord du cercueil, et s’en fut « plus rêveur que jamais. »


VICTOR COUSIN

François Buloz admirait Victor Cousin ; il reconnaissait la supériorité de cet esprit ; son charme brillant ; il lui gardait aussi un vif sentiment de reconnaissance, car Cousin crut, un des premiers, à la fortune de la Revue, lorsque F. Buloz la réorganisa en 1845 ; mais les allures fréquemment doctrinales, et la morgue du grand maître de l’Université, n’étaient pas pour lui plaire. — Car il y a deux Cousin, le grand universitaire, directeur de l’École Normale, « apôtre de l’Éclectisme, » et celui de Louise Colet et de la princesse Belgiojoso. Intime ami de la première, fervent admirateur de la seconde, ne grimpait-il pas dans la mansarde de celle-ci, alors qu’elle était proscrite et se croyait pauvre, en 1831 ? Il y rencontrait le général de La Fayette, et le « beau Mignet, » qui déjà s’y installait ; ensemble on faisait le ménage, on parlait carbonarisme, en surveillant la cuisson des haricots secs.

Mais la Princesse, qui était belle et fantasque, traça quelque jour du grand maître un portrait assez sévère, malheureusement inachevé, — que j’ai eu la bonne fortune de retrouver. Il est écrit tout entier de sa main, et, d’après l’écriture, doit dater de 1840 à 1848, environ. Le voici :

« Monsieur Victor Cousin n’aime pas que l’on fasse allusion à ses commencements et à son origine. Il lui est bien arrivé quelquefois, dans les jours d’émeute, de s’écrier avec transport qu’il était fils du peuple, que ses sympathies appartenaient au peuple, etc. Il lui est arrivé aussi, dans une de ces bienheureuses leçons qui ont commencé sa fortune, de poser comme