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F. Buloz répond à cette lettre, le 11 janvier :

… « Vous me paraissez vous être mépris sur la portée de ma faible plainte : je ne vous demandais pas, je serais ridicule de le faire, de ne pas écrire au Journal des Savants ; je vous priais seulement de ne pas vous consacrer exclusivement à ce recueil, et de ne pas oublier si longtemps la Revue. Si ma lettre vous a distrait un moment de vos rhumatismes, en vous faisant sourire, je m’en réjouis sincèrement. »

Ensuite le directeur de la Revue reprend le sujet de l’élection académique prochaine. Pour le fauteuil de M. Ancelot, Legouvé se présente, puis Ponsard, puis Emile Augier, mais ce dernier se retire bientôt devant l’auteur de Lucrèce. Et la Revue dans sa chronique s’indigne : « La lutte va-t-elle se restreindre à ces deux candidats ? » Elle propose Brizeux, de Laprade, Gustave Planche, Jules Sandeau…

« Quant à mon microscope pour les candidats, écrit F. Buloz, j’aurais beau vous l’envoyer, vous refuseriez de vous en servir. Je vous demande seulement de lire ou de relire le poème sur Homère, et les tragédies de M. Ponsard, et si vous n’y découvrez pas de choses à scandaliser un écrivain tel que vous, je me charge de vous les signaler. Je me demande comment un homme de votre goût et de votre style peut mettre en balance les ouvrages de M. Ponsard avec les œuvres, plus nombreuses et le plus souvent charmantes, de tel autre candidat que je pourrais vous nommer, si vous consentiez à les lire. Me permettrez-vous, à ce sujet, de rappeler que vous n’avez eu d’admiration pour Mme  Sand que dix ans après nous, et que vous n’admettiez guère Alfred de Musset, il y a quelques années. Eux aussi étaient des enfants de la Revue ; mais vous ne les lisiez guère alors, et je m’aperçois avec regret qu’il y en a d’autres, que vous ne lisez pas toujours[1]. »

Ici l’opinion de F. Buloz rappelle celle de Henri Blaze : « Ces grands hommes n’aimaient que leur littérature, » et M. Guizot est mort « sans avoir connu de Musset autre chose que la Ballade à la lune. » Parlant de Villemain, le même écrivain dit qu’il traversait la Revue de loin en loin, mais n’y fut jamais à demeure, et il le compare en cela à Michelet : « il était de ceux qui ne

  1. Inédite. Correspondance de V. Cousin, Bibliothèque de la Sorbonne, F 1001.