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constater par ses diplômes leurs aptitudes, étaient autant de postulats devenus axiomes. Même en Belgique ils avaient envahi les esprits et nombre de gens se croyaient libres et avaient renom de « libéraux » qui n’admettaient pas de retenir sur ces droits régaliens d’Etat.

Les catholiques belges ne reconnaissaient ici de droits régaliens qu’à la science. La science est trop vaste pour être donnée toute par aucun maître, ni contenue entière dans aucun programme. Enseigner est choisir. Choisir est le seul embarras de savoir. Son bienfait général est de créer dans l’homme l’équilibre des hauteurs, par une ascension synthétique dans l’ensemble des connaissances ; son bienfait particulier est de conduire le plus loin qu’il se peut au fond des multiples mystères qui chacun portent le nom d’une science. Que le génie des ensembles et celui des détails fassent effort pour se compléter, les méthodes les plus diverses vont surgir, s’opposer, s’éprouver, et c’est de leur rivalité heureuse que les meilleures ont chance de se dégager. Dans l’opération toujours hasardeuse d’opter entre le nécessaire et le superflu de chaque savoir, qui a les moindres risques de se tromper, les hommes de la politique ou les hommes de la science ? A ceux-ci donc de dire comment sera offert aux bonnes volontés d’apprendre le mystère de l’inconnu. A eux seuls de juger si le disciple instruit par eux est familier avec la région de la science où ils l’ont guidé. Au public de décider par l’estime où il tient les programmes et les diplômes, ce qu’ils valent. Abandonner à l’État les programmes de l’enseignement et la collation des grades est faire une unité arbitraire où l’indépendance seule est la vie, mettre obstacle à la fécondité des initiatives scientifiques, contraindre tous les foyers d’enseignement à répandre la même température dans toutes les intelligences, appauvrir à la fois l’étendue et la profondeur des connaissances en destituant de tout avantage celles qui ne seront pas officielles. Si le choix est fait par l’Etat, il tiendra pour les plus importantes les études les plus utiles aux carrières dont les diplômes ouvrent l’entrée ; mais le recrutement des carrières n’est qu’un des services à attendre du savoir. Si l’Etat, maitre des programmes, réduit les écoles dites libres à répéter partout le même cours, leur indépendance est découronnée. Si l’Etat, juge des examens, impose son propre esprit à