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proscrire la forme la plus utile, la plus noble de la propriété. Cette mainmorte devrait avoir pour défenseurs les plus ardents les amis du peuple : c’est lui qui, plus dénué, a le plus d’intérêt à ce que de mieux pourvus s’appauvrissent pour satisfaire à ses détresses. Et c’est une contradiction déconcertante que les plus intraitables adversaires de la mainmorte travaillent à la rendre universelle en proposant le collectivisme comme le remède nécessaire aux maux de la société. Les catholiques belges complétèrent leur œuvre universitaire en établissant le droit d’association avec son complément naturel, le droit de propriété.

La liberté de l’enseignement ainsi comprise se confondait, part indivisible, avec la liberté de la nation. La nation, comme l’enseignement, allait chercher sa force non dans l’omnipotence de l’Etat, mais dans l’énergie des volontés individuelles, dans la constance, la libéralité, le prestige des groupements volontaires ; un régime se constituait où l’inertie et la malveillance même du pouvoir ne suffiraient pas à avoir raison d’une idée, tant qu’elle garderait pour elle des défenseurs dans la nation.

C’est sous cette armure moderne du droit ancien que l’Université de Louvain reparut dans la société moderne. Elle reparut telle qu’elle avait été, gardée dans la plénitude de ses traditions par la plénitude de son indépendance, et dans la plénitude de son indépendance par la plénitude des générosités volontaires qui assuraient et étendaient sa vie. Assurer le recrutement certain des carrières, objet à peu près unique de certaines Universités même célèbres, ne fut, comme dans l’ancien Louvain, que sa sollicitude accessoire. Elle a continué de tenir pour son principal devoir d’assurer la préférence aux études « qui ne paient pas, » de seconder l’impatience toute scientifique de connaissances « qui deviennent » et peuvent être hâtées par l’abnégation et la minutie des recherches, et surtout d’accroître la culture générale, la familiarité désintéressée des sciences sacrées, de la philosophie, des lettres, de l’éloquence et du droit public. C’est par-là qu’elle est devenue une source puissante de la vie nationale, qu’elle a répandu sur ses disciples son esprit conservé sous des formes nouvelles, qu’elle a uni aux anciennes générations les générations contemporaines, dans la volonté intrépide de ne pas séparer la foi religieuse et la liberté politique, et de les défendre l’une par l’autre.