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en cire et d’écriteaux votifs qui les recouvrent du haut en bas jusqu’à la naissance de la voûte. Ici, l’âme populaire règne sans conteste. Aux pieds de la grande dame en atours qui trône là-haut dans son camaril, elle parle son simple langage par les inscriptions de ces ex-votos foisonnants.

Pour les curieux d’histoire locale comme pour les âmes religieuses, ces témoignages naïfs de la piété des foules offrent un intérêt passionnant. Ce n’est pas qu’ils soient très anciens. Les plus vieux ne remontent pas au-delà du XVIIe siècle. Mais ils reproduisent des usages et des formes traditionnelles qui datent de la plus haute antiquité. Depuis les temps païens, ces petits tableaux de bois qui racontent un accident ou une guérison miraculeuse ont été suspendus aux murailles des églises et des temples. A Font-Romeù, ils forment deux grandes catégories : ceux qui rappellent simplement le vœu de guérison adressé à la bonne Vierge et ceux qui s’efforcent de portraiturer l’horrible catastrophe à laquelle on n’échappa que par son intercession. Pour les premiers, un type uniforme s’imposait, lequel n’admettait pour ainsi dire aucune variante. Le « vœu » doit être fait au lit par le malade et gisant, ou bien par une autre personne agenouillée à son chevet et qui parle en son lieu et place. Le lit doit être un lit à courtines, ou bien à baldaquin, le lit du moyen âge, celui qu’on voit dans toutes les Nativités des primitifs italiens, autour duquel s’activent les bonnes femmes venues pour les caquets de l’accouchée. Il est interdit au peintre de rien changer à la forme de ce lit moyenâgeux, lequel est fidèlement reproduit jusqu’en plein XIXe siècle. Presque toujours, il est d’un beau vermillon.

Les seules blancheurs qui tranchent dans tout ce rouge sont les draps, les piles d’oreillers, les traversins, les bonnets de coton ou les béguins qui encadrent les faces débonnaires des gisants, — le tout dessiné et représenté avec une exactitude scrupuleuse. D’autres fois, quand le malade a échappé à une mort certaine, il est figuré à genoux devant son propre cercueil. Celle qui l’en a tiré, la bonne dame de font-Romeù, est peinte à l’autre extrémité du tableau. Flanquée du taureau « inventeur » de son image, elle sourit bénignement au milieu des nuées.

La seconde catégorie, celle des accidents, attentats et cala-strophes, est forcément plus libre en son inspiration, et elle est